Sunday, 6 February 2011

L'Afrique coute que coute

Il y a un an le Festival International du Film de Rotterdam a présenté un programme spécial consacré a l’Afrique ; Forget Africa. Outre les rétrospectives de doyens comme Mustapha Alassane et des films restaurés datant du début du siècle dernier, une sélection de films produits dans le cadre d’un atelier ont fait l’objet d’une section à part. Elle est le fruit d’une expérimentation invitant des réalisateurs internationaux à rencontrer des talents africains chez eux pour travailler ensemble. Cette année l'expérience a consisté à déplacer en Chine sept jeunes cinéastes africains invités pour tourner au «Pays du Dragon».

L'expérience est dirigée par l’un des programmeurs du festival Ghertjan Zuilhof qui en est l’initiateur et le producteur. Il trouve en cela une manière de renverser le cour des choses. Lors de la première phase du programme, il avait constaté la forte présence des Chinois sur le continent noir. L'expérience devrait être facilement réalisable puisque beaucoup de cinéastes des deux parts , particulièrement les jeunes, sont habitués à travailler dans les mêmes conditions de production à petit budget.
Pendant le festival, et outre la programmation des films produit dans le cadre de cet atelier, une journée spéciale a été consacrée à l’Afrique sous le titre, assez cavalier, de Raiding Africa. Pendant une journée entière, le public a pu suivre un programme alternant projections de films et débats et aboutissant à une fête donnée en l’honneur des participants animée par une musique métisse hollando-éthiopienne. Outre les questions de curiosité, les débats ne sont jamais allés assez loin. Les films, faut-il l'avouer. sont d’une facture plutôt amateur. Ils manquent terriblement d'idée, une mise en scène très naïve et des sujets superficiels et clichés : Kung Fu, manger avec des baguettes, …
Le plus important cinématographiquement se passait ailleurs. Ibrahim Elbatout est venu présenter son nouveau né Hawi. Dans une section parallèle ou on retrouve aussi deux films sud-africains A Small Town called Descent de Jahmil Qubeka et Speak réalisé par un groupe de rap Yes ! That's us et coproduit par l'Uganda. Ces trois films, bien qu'ils soient des productions indépendantes viennent de deux pays ou la production est la plus importante sur le continent : l'Egypte avec son historique industrie de cinéma et de la télévision et l'Afrique du Sud avec son industrie émergente qui est en train de faire de l'ombre au reste du continent.
Ailleurs, plusieurs courts métrages dignes de tout respect sont éparpillés dans plusieurs sections. O Saloo azul de Luciano Hees (Mozambique) à titre d’exemple est une analyse sociale très subtile de la société à travers un montage parallèle de scènes où l'on voit des Dames dans un salon de coiffure et d’autres de femmes en plein travail. Subverses d'Ella Raidel (Autriche/Mozambique) est un autre film qui, avec China meets Africa des frère Francis (Royaume Uni), interroge la présence chinoise en Afrique. Est-ce une échappatoire au poids de la présence occidentale, ou bien une autre forme d'impérialisme sans âme conduit par les multinationales orientales ?
Toujours est-il qu'à Rotterdam cette année la présence Africaine reste respectable. Dans un festival ouvert aux nouveaux talents du Monde entier, il y a espoir de voir des jeunes africains émerger. Mais peut-être que plutôt que de vouloir les catalyser, leur laisser la possibilité d'évoluer par eux-mêmes en leur dotant d’un tout petit peu plus de moyens. Quand on voit la qualité relative des films produits dans le cadre du programme d’encadrement mené par trois festivals européens (Göteborg, Rotterdam et Milan) on se pose beaucoup de question quant à l'utilité de ce genre d'expérimentations. Les films d’inspiration locale sont nettement plus authentiques. Ce qui manque, reste encore les moyens de tout ordre mais sur place et pas besoin d’aller jusqu’en Chine.

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