Publié le 22/05/2014 sur www.africine.org
Lorsqu’on lit le dossier de presse de Run, le film de l’Ivoirien Philippe Lacôte, on pense tout de suite à la réflexion récemment faite par Jean-Michel Frodon au sujet de l’image un peu trop franco-française que la sélection du festival de Cannes risque d’avoir. Ce qui n’est pas que bonne chose pour le cinéma et encore moins pour le festival lui-même. Sur la dernière page du livret on pouvait lire les noms et les contactes de la production, de l’agent de presse et de la distribution française et internationale. Tous sont français.
Lorsqu’on lit le dossier de presse de Run, le film de l’Ivoirien Philippe Lacôte, on pense tout de suite à la réflexion récemment faite par Jean-Michel Frodon au sujet de l’image un peu trop franco-française que la sélection du festival de Cannes risque d’avoir. Ce qui n’est pas que bonne chose pour le cinéma et encore moins pour le festival lui-même. Sur la dernière page du livret on pouvait lire les noms et les contactes de la production, de l’agent de presse et de la distribution française et internationale. Tous sont français.
Or, le film et présenté comme
ivoirien. C’est le principe selon lequel le film a la nationalité de son
auteur, me diriez-vous. Soit. C’est une bonne chose. Mais les choses sont trop
complexes, et ce pour les films africains d’une façon général. A défaut de
structures nationales, il ne restent aux réalisateurs que les guichets
étrangers et pour l’Afrique de l’Ouest cet Etranger n’est autre que la France. Néanmoins,
si le festival continue de sélectionner que les films de production française
ou ayant un coproducteur français, il y a un grand risque qu’une partie des
films africains reste invisible. Il y a risque que le lien professionnel et/ou
institutionnel aux structures françaises remplace le critère de la qualité dans
la sélection. Ceci n’est certes pas une bonne chose. Ce qui est dommage et
surtout injuste.
Pour ce qui est de Run, le bon vent l’a mis sur la
croisette. Il est sélectionné dans Un Certain Regard et compète pour la caméra
d’or, prix décerné aux nouvelles découvertes. Que ce film soit une découverte,
soit. Qu’il en soit une excellente, il y un grand doute, hélas.
Comme beaucoup de films
africains ou sur l’Afrique, Run
traite de la misère africaine. Philippe Lacôte fait le point sur plusieurs
décennies de l’histoire actuelle de son pays à travers le parcours d’un jeune
Ivoirien au destin très particulier: Il est condamné à fuir continument d’une
situation à l’autre sans répit. Un peu comme la Côte d’Ivoire qui ne cesse de se débattre dans son instabilité. Mais là
ne réside pas le péché du film.
Il ne suffit pas d’avoir de
bonnes idées, et encore moins de bonne intentions, pour faire de bons films. Il
y a d’abord un problème de construction. Le parallélisme que le film entend établir
entre un mythe local, celui du faiseur de pluie et la situation contemporaine
du pays n’est pas bien agencé. On ne voit pas vraiment le lien à moins que ce
ne soit l’origine du mal qui a atteint Run
et le condamne à ne jamais trouver de repos. Ce qui parait trop facile et
surtout très discutable si on l’applique au pays. Ce serait trop facile aussi,
et surtout trop superficiel, de prétendre comprendre le mal de l’Afrique.
Ensuite il y a un problème
de rythme que le film a du mal à trouver. L’on passe d’un épisode à un autre
sans lien profond entre les uns et les autres. La chronologie et l’âge du
personnage sont presque les seuls indices dont on dispose. Là encore, le récit
ne fait pas le film. De même, les grandes phrases ne font pas nécessairement de
bons dialogues. Les personnages, débitent des répliques comme s’ils étaient de
grands sages sortant d’un film de Cheikh Omar Sissoko, ou un Souleymane Cissé.
Ils en ont l’air, mais le jeu trop évident et trop artificiel des acteurs fait
que les mots perdent encore plus leurs sens. On oublie que plus souvent, c’est
dans les mots simples que réside le plus de sagesse. Il faudra ensuite trouver
le bon ton.
Le fait est que le film
n’arrive pas à proposer une atmosphère cohérente de forme et de propos. Lacôte
a cherché à combiner des thématiques et des styles qu’il ne semble pas
maitriser. Le mariage de la tradition et de la mythologie africaine avec
l’actualité du pays est une bonne intention, mais il fallait trouver la bonne
construction et surtout le ton juste. Ceci n’est pas choses facile lorsqu’on
s’engage sur un terrain ou d’autre ont déjà fait des pas et laissé des traces.
Ils ont de ce fait mis la barre très haut.
Il est sélectionné à Cannes
au nom de l’Afrique. Il a l’avantage que d’autres n’en ont pas. C’est mieux que
rien, peut-être.
http://www.africine.org/?menu=art&no=12238
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