Dans sa version 2018, la quinzaine des réalisateurs fait place à un
documentaire qui vaut bien la peine. Samouni road de Stefano Savona est
en lice pour l’œil d’or, un documentaire sur la vie d’une famille Gazaouie dans
le contexte de l’embargo imposé par Israël sur la bande et puis surtout qui a
subi le poids de la guerre de 2009.
Ce film, comme souvent dans le documentaire, se trouve dépassé par les
événements. Savona était parti faire un film sur les conditions de vie des
Gazaouis sous l’embargo doublé des conflits intestins entre les dirigeants
palestiniens. Lorsque l’armée israélienne envahit la bande de Gaza en 2009, le
cinéaste italien ne parvient pas à quitter la région et assiste impuissant ce
qui se passe. Il revient juste après la fin des opérations et retrouve la
famille complètement défaite. Il accompagne les membres ayant survécu
l’intervention militaire israélienne dans une nouvelle reconstruction de leur
vie. Il les avait laissés en train de préparer un mariage. Quand il les
retrouve, ils en sont encore au stade des préparatifs sauf que ceux qui les
avaient commencés, sont maintenant partis et avec eux les maisons et les oliviers.
Il faut tout reconstruire et replanter comme cela se passe régulièrement en
Palestine depuis la création de l’état d’Israël et le début de sa politique
d’occupation.
Mais le film est amputé d’une partie. Savona a tourné avant et après le
drame. Il lui manque ce qui s’est passé pendant les opérations, les conditions
dans lesquelles une grande partie de la famille a été décimée. N’ayant pas été
tournée, cette partie sera donc reconstituée en animation. En interviewant les
survivants, le cinéaste recolle les morceaux du puzzle. Et pour avoir une vue
la plus complète possible de ce qui s’est passé, il retrouve aussi les traces
des événements vus du côté de l’armée israélienne. Ainsi dans cette partie en
trois 3D, l’on assiste à un regard croisé des deux côtés ; du témoignage
des enfants terrorisés aux conversations entre la salle de commandement des
drones et leurs pilotes en arrière-plan des images des drones eux-mêmes.
Que ce soit dans la partie tournée ou dans celle animée, Savona se contente
d’enregistrer la réalité qui lui vient. Et même l’animation, qui est plus une
nécessité en fait qu’un choix délibéré, n’enlève rien à la gravité des choses. Bien
au contraire, elle lui permet de se positionner en regard neutre. Aussi
recueille-t-il les témoignages des Gazaouis mais il les confronte aux
enregistrements des échanges de l’armée israélienne pendant les opérations.
Ainsi assistons-nous en témoins à l’hésitation d’un pilote qui refuse de tirer
sur des enfants alors que son commandant lui en donne l’ordre.
Comment donc rester neutre face à l’abject. C’est tout simplement
Impossible, sauf si l’on considère que
la neutralité dans son objectivité est d’office du côté juste. Il est peut-être
même trop facile de se mettre explicitement du côté du faible en se montrant
partial. Or, il se trouve que l’impartialité permet de mettre à nu la bêtise et
l’arbitraire de la disproportion. De ce fait, elle rend plus service au faible
en accentuant l’injustice qu’il subit. Samouni Road est une
démonstration que la meilleure manière de servir la cause des opprimés c’est
d’être objectif. Le bon sens et l’injustice ne font certes pas bon ménage.
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