Sunday, 27 September 2009

Drame Humain et culturel


Le début du moi de septembre n´aura pas été de bonne augure pour l´Afrique et pour le Burkina Faso. Des pluies diluviennes se sont abattues sur Ouagadougou, la capitale du pays des hommes intègres le 1 de ce mois. Pour l´un des pays des pays les plus secs du monde ces pluies auraient été attendues comme porteuse de tant de biens. Mais la nature en aura décidé autrement Il semble qu’elle s’est particulièrement acharnée sur le pays : plus de 300 mm en pas plus de 12 heures. C´est là un drame de plusieurs points de vue. Outre les pertes humaines et matérielles, d’aucuns crient au drame culturel.
Le pays ne sait de quel côté se tourner. Les conséquences sont néfastes. Des milliers de personnes sont sans abris (150.000). Plusieurs infrastructures ont été partiellement ou entièrement détruites. Il y a plus de personnes disparues que des morts. En plus de cette catastrophe économique et humaine qui vient s’abattre sur un pays qui a bien d’autres maux à combattre, les flots se sont attaqué au seul et plus important patrimoine cinématographique de l’Afrique, la Cinémathèque Africaine. Après l’inondation beaucoup de films, selon l’AFP, seraient en danger puisque l’eau était rentrée au niveau du stock.
Entre 1500 et 2000 copies de films africains sont archivées dans cette institution unique en Afrique qui fonctionne depuis 1992. Certaines de ses copies sont uniques et risquent d’être perdues à jamais. Pour la mémoire cinématographique africaine c’est là un coup dur à supporter. Tous les efforts et les espoirs des cinéastes africains de s’attribuer des archives africaines dignes de ce nom, ont reçu un grand coup de massue du destin.
Cette cinémathèque est en effet le fruit d’un long combat dont le début remonte à l’année 1973, lorsque la Fédération Africaine des Cinéastes s’engageait à faire de la constitution de la cinémathèque un objectif principal de son action. En 1989, la cinémathèque voyait le jour. Elle s’est appuyée sur le fond de films qui existait déjà au FESPACO depuis les années 60. Février dernier, lors du quarantième anniversaire de ce festival, la cinémathèque fêta ses vingt ans d’existence et faisait le bilan de son action.
Parmi les 2000 films recensés, certains sont vraiment des perles rares ; des films des années 1920 - 1950 tournés dans les colonies africaines comme la croisière Noire, de Léon Poirier;1925); d’autres films didactiques produits en Afrique dans les années 60 pour traiter des thèmes sur les efforts de construction des pays indépendants : l'agriculture, la santé etc.… En outre, elle contient des films d'auteurs représentatifs des cinématographies africaines : la cinémathèque possède par exemple la quasi totalité des films de Sembene Ousmane, de Djibril Diop Mambéty entre autres….
Le service de documentation de la cinémathèque est aussi un autre grand trésor de l’imagerie africaine. Y sont déposés plus de 6000 photos de films et de festivaliers, plus de 500 affiches de films etc.…. Il semble que cette partie a heureusement été épargnée par l'inondation.
Un travail de Titan avait été fait, et il est encore à refaire. Il semble que l’image de Sisyphe colle mieux aux professionnels du cinéma en Afrique. A chaque fois qu’ils réalisent quelque chose, ils sont obligés par un coup du destin : parfois c’est de la politique, parfois c’est l’économie mondiale… Cette fois c’est la nature qui prend sa part dans la persécution des artistes africains. Pour le moment le temps est à l’évaluation des dégâts, la récupération des films endommagés, la reconstitution du matériel technique… Il va falloir beaucoup d’énergie et de bonne volonté pour sauvegarder ce patrimoine africain et humain. Mais c’est peut-être là un moment de méditation sur les conditions meilleures pour la sauvegarde de ce patrimoine. Ces inondations auront été le mal qui aura permis de se rendre compte de certaines failles dans la structure qui existait. Le coup qui ne tue pas, dit-on, rend fort.

Le cinéma, oui … et la télévision !!!

Depuis quelques mois, le milieu cinématographique a connu une agitation particulière. Alors que la commission d’aide à la production siégeait pour l’attribution des fameuses subventions annuelles, les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel ont provoqué un débat autour de l’organisation du secteur. D’aucuns se sont retrouvés dans une commission nationale de réflexion, d’autre ont créé un collectif de jeunes professionnels de cinéma qui s´est érigé en une force de proposition. Chacun essayant de faire entendre sa voix et de faire des propositions. Lesquelles tournent autour de deux idées principales et qui ne cessent de revenir depuis le démantèlement de la SATPEC : une Cinémathèque et un Centre National de la Cinématographie.
Cette dynamique vient à un moment où notre pays connait beaucoup de changements au plan de la réalité que l’institution se doit de suivre. Le débat est en effet engagé au sein des structures ministérielles qui restent à l’écoute des différentes voix. La société civile continue de bouger aussi sur plusieurs axes. Le syndicat des Techniciens du Cinéma et de l’Audiovisuel œuvre de son côté pour définir le statut et les conditions de travail en fonction des nouvelles donnes du secteur : le développement de l’enseignement de l’audiovisuel et la multiplicité des chaines de télévision. L’Association Tunisienne pour le Promotion de la Critique Cinématographique a organisé il y a quelques jours, une table ronde autour du bilan cinématographique de l’année passée. Une remarque particulière à été faite quant à la dynamique provoquée par les jeunes cinéastes en parallèle avec les voix traditionnelles de la production. Il a été rappelé, à titre d’exemple, que l’année 2009 a vu la production de 51 courts métrages. Un record historique.
Il est vrai que l’institution est obligée de suivre le cours de la réalité par une sorte de mise à jour. Un projet de réforme totale du secteur s’avère de plus en plus indispensable face aux défi du moment. Mais une telle réforme ne peut se faire sans l’implication de la télévision. Depuis le début de la politique de privatisation du secteur de l’audiovisuel, les chaines ne cessent de se multiplier sous nos cieux. Or, non seulement la chaine nationale s’est petit à petit désengagé de son soutient traditionnel au cinéma, mais les nouvelles chaines ignorent totalement toute possibilité d´intervention. Il est peut-être temps que celles-ci soient impliquées dans la grande dynamique de l’image dans notre pays.
Même le projet des téléfilms lancé il y a quelques années et avait donné un souffle extraordinaire au secteur s’est vite évaporé suite au grand projet de réforme que l’ERTT avait connu. En l’espace de deux ans on a vu apparaitre plusieurs films dignes de tout intérêt fait par des cinéastes confirmés comme Abdellatif ben Ammar, Moncef Dhouib, Khaled Barsaoui, Naceur Ktari… Mais cette politique s’est arrêté subitement sans laisser de grandes conséquences structurelles parce qu’elle ne s’était pas installée dans la durée. Ce projet reste pourtant toujours d’actualité. C’est là une orientation qui mérite toute réflexion et qui nécessite une coordination entre le ministère de la culture et de la sauvegarde du patrimoine, le ministère de l’enseignement supérieur, le ministère de l’emploi, les chaines de télévision et les organisations cinématographiques.
Partout dans le monde entier, la connexion entre cinéma et télévision est presque naturelle, et ce à plusieurs niveaux : coproduction, promotion, diffusion,… Ceci n’est pas seulement dans l’intérêt des films, ni celui des chaines de télévision, mais surtout de la place que notre propre image authentique doit occuper dans les grilles des chaines tunisiennes. Lesquelles sont uniquement des marchés pour des productions dramatiques étrangères : turques, syriennes, égyptiennes, etc. Or, nous nous devons d’occuper la place qui nous est due. Pour cela les mesures sont bien connues : la participation des télévisions dans la production par le financements sous forme de préachat, les cotas de diffusion du produit dramatique national sur les ondes, l’incitation législative et fiscale des chaines privées pour investir dans la production dramatique.
La bataille de l’image ne peut se faire sur un seul front. Le développement du cinéma ne peut se faire indépendamment de l’implication de tous les intervenants dans la production et dans le marché de l’image. Or, il semble que nos chaines de télévision se développent sans aucune relation structurelle avec le cinéma. Il y a bien beaucoup d’intérêt pour tout le monde que de conjuguer les efforts dans le but de conquérir un espace sans lequel on risque de fondre dans un flux impitoyable d’une image sans identité, sans personnalité.