Wednesday 21 January 2009

38ème Festival International de Rotterdam (Pays-Bas)


Le rideau est levé sur le 38ème festival international de Rotterdam qui a démarré dans l’esprit d’un nouveau souffle que cet événement tend à s’assurer pour les prochaines années. C’est avec un film qui incarne la spécificité du cinéma dont ce festival se veut la plate forme que le rideau est levé mercredi dernier, le 21 janvier 2009. Le film d’ouverture Hungry Ghosts (les fantômes assoiffés. Ndlr) de l’Américain Michael Imperioli a annoncé en effet la couleur de l’édition 2009 du festival.
Le festival de Rotterdam est connu pour l’intérêt qu’il porte au jeune cinéma et au cinéma de renouvellement. L’essentiel de son programme est constitué de premières ou secondes œuvres. En dehors des sections officielles traditionnelles, la porte de Rotterdam est ouverte aux expériences les plus novatrices dans le monde de l’image. Une grande plage de la programmation et une grande partie de l’espace des projections est dédiée aux films expérimentaux et aux installations vidéo. Mais outre l’esprit de l’organisation c’est le sens même de la sélection qui témoigne de cette recherche têtue du renouveau. Pour un film américain en ouverture on se serait attendu à une grande production avec des stars en tête d’affiche. Il n’en est rien. Car, le film choisi pour l’ouverture est de ceux qui cultivent un cinéma différent, un cinéma d’avant-garde.
De tout point de vue, Hungry Ghosts donne le La de cette 38ème édition du festival de Rotterdam. Non pas seulement pas parce que c’est une première œuvre d’un jeune réalisateur, mais pour le souffle d’insolite et d’originalité qui le traverse de bout en bout. Michael Imperioli est connu pour son rôle notamment dans The soprano, de David Chase. Largement reconnu en tant qu’acteur dirigé par des réalisateurs comme Spike Lee ou Scorcèse, il se lance dans la réalisation avec ce film déconcertant qui lui vaut une place de choix dans la course à l’un des trois trophées du festival néerlandais.
Qu’un cinéaste occidental s’intéresse à la culture spirituel asiatique, cela n’est pas vraiment nouveau, ni inédit comme approche de la vie moderne. Mais là où Imperioli a sa propre touche c’est de ne rien laisser paraitre dans le film qu’il trouve son inspiration dans cette culture. La présence d’ingrédients comme un club de yoga est traité plutôt comme un cliché. Il faut aller plus loin pour faire le fil spirituel qui constitue le fond même de la construction du film. Le dispositif scénaristique de plusieurs histoires qui convergent vers un point nodal où elles trouvent toutes leurs sens mais en même temps leur point de fuite permet une construction des plus subtile. A l’éclatement apparent s’oppose une forte unité profonde qui construite autour d’un mal d’être qui rongent tous les personnages à l’image de la société américaine malade d’esprit.
La rencontre finale en termes de construction narrative et l’unité de temps de 36 heures en tout, viennent donner forme à l’union de ces êtres atteints de mal inexplicable. Tout semble perdre sa dimension concrète. L’espace ne reconnait en rien les lois de la vraisemblance. Seules persistent les moments de déchirement et de douleurs qui renvoient les personnages les uns aux autres les poussant vers point central qui n’est pas nécessairement spatial. C’est où l’exercice de mise en scène auquel se livre Michael Imperioli trouve son sens, son intérêt et sa pertinence. Et là où se trouve le mérite de sa programmation pour ouvrir le bal des expériences prometteuses dont ce festival ne cesse de nourrir la cinéphilie et d’encourager les plus audacieuses. Dans dix jours, nous saurons lesquels sont les heureuses élues par le jury.

Tuesday 6 January 2009

Souleymane Cissé, le retour d’un vétéran


L´édition 2008 des Rencontres Cinématographiques de Bamako aura apporté une bonne nouvelle. C´est avec cette session que Souleymane Cissé signe son retour avec son nouveau film, Minyé ( en bambara, ce qu´on est..). Après Molaadé de feu Ousmane Sembène qui traitait de l’excision, le cinéaste bamakoi revient sur un autre complexe des société africaine, la polygamie.
Comme plusieurs cinéastes africains, Cissé est connu par son engagment pour le cinéma. C’est à ce titre qu’i ls’est associé à Martin Scorses pour la créer la fondation World Cinemaqui vient de restaurer le chef d’œuvre de Djibril Diop Mambetty Touki Bouki. Il est aussi un fervent engagé pour l’Afrique et considère le cinéma comme un agent de développement et de construction des nations africaines.
le réalisateur Malien passe pour le cinéaste de la dignité africaine. On citera toujours volontiers l'épisode de la Côte-d'Ivoire dans Waati. Le film est mis sous le signe de l'acquisition du savoir. D’un côté, il est occidental, moderne matérialisée par : l'université, le cours, le professeur, la soutenance de la thèse... D’un autre côté, il relève de l'enseignement traditionnel représenté par le maître de la cérémonie « Rasta ». Ces deux sources du savoir sont traitées de la même manière, c'est-à-dire avec une certaine distance ironique. Cissé met l'accent sur la prétention des détenteurs de savoir : le professeur pour le côté moderne ; le maître de la cérémonie pour le côté traditionnel. Il s'agit pour Nandi de trouver sa propre voie en investissant le cadre moderne par la mise en valeur d'un élément culturel traditionnel.
Il en va de même pour un autre grand cinéaste africain, Oumane Sembène. Dans son dernier film réalisé avant de s’éteindre il y a bientôt deux ans et après avoir donné une leçon magistrale de cinéma du haut de la tribune du festival de Cannes, il représente une Afrique qui détient l’antidote des poisons qui la rongent. Mooladé était fondé sur la pratique absurde de l’excision que « l’ainé des anciens », comme les compagnons de route aimaient l’appeler, a érigé en un mal que l’Afrique est capable de vaincre par sa propre force, celui de son autre tradition du mooladé, sans recourir donc à aucune aide externe.
Dans la jeune génération, il y a aussi des cinéastes qui croient en cette force que l’Afrique a. Quelques uns se plaisent à faire de leur africanité un folklore qui caresse le regard des européens même quand il prétendent secouer le fardeau des tabous. Tels sont des films comme ceux qui posent non pas le problème de la femme mais la femme comme problème dans les sociétés africaines. On citera volontiers des cinéastes comme Farida Benlyazide (Maroc) Moufida Tlatli et Nadia Féni (Tunisie), Djamila Sahraoui et Yamina Chouikh (Algérie). Le hommes eux se spécialiseront dans les messages politiques : La Chambre noire de Hassen Benjelloun, Les Sabots en or de Nouri bouzid etc. Dans la majorité des films africains, ou sur l’Afrique, la société et l’homme africain sont à plaindre.
D’autres ont tendance à peindre une Afrique forte de ses blessures mêmes. Mahamet Saleh Haroun à titre d’exemple dans Daratt, la saison sèche, donne à voir une société tchadienne qui panse ses plaies de la guerre dans la dignité et le regard vers le futur. Yousri Nasrallah fait éclater les tabous dans ses films. Chez le cinéaste égyptien, ceux-ci ne sont importants que dans la mesure où ils lui permettent de construire des formes cinématographiques.
Plus explicite et plus agressif est encore Bamako du Malo-Mauritanien Abderrahman Cissako. Le film est un procès érigé dans la court de la maison paternelle du cinéaste pour juger les responsables des maux de l’Afrique. Les africains eux-mêmes n’échappent pas aux doigts accusateurs des représentants de la société civile et des juristes internationaux. Bamako est un pamphlet contre les instances hypocrites qui font semblant d’aider le continent noire à se développer alors qu’elles ne fond que l’immerger encore et encore dans les dettes arrangeant de la sorte leurs propre affaires et ceux de leurs complices locaux.
Pour ceux qui comprennent l’Afrique, elle se fait mal elle-même et donc elle est capable de s’en sortir seule et par ses propres forces. Mais le mal le plus grave dont elle souffre et contre lesquels elle mènera une guerre sans merci c’est sa méconnaissance. Celle-ci est répandue par la télévision abrutissante et par les diseurs des vraies-fausses vérités, ceux qui font de sa souffrance un fond de commerce ou un objet de voyeurisme. Le cinéma de Cissé s’inscrit contre ce regard et c’est dans ce sens qu’il mène sa batille.

Saturday 3 January 2009

Quoi de neuf Rotterdam ?


Le coup d’envoi du festival International du Film de Rotterdam aura lieu le 21 janvier prochain. Ce festival qui a la réputation de soutenir les jeunes réalisateurs venant des quatre coins du monde semble se renouveler chaque année. Rutger Wolvson, est maintenu officiellement à la tête de l’organisation après une session essai l’année dernière. Et la version 2009 du festival semble prendre de nouvelle couleurs. Quelques changements au niveau de la structure de la programmation lui donnent une nouvelle orientation vers le cinéma expérimental et vers plus soutien à l’exploitation du film d’auteur.
Le festival de Rotterdam se dote en effet d´une nouvelle structure de programmation. Désormais les films seront distribués d´une manière simple sur trois sections. La compétition officielle destinée aux premières et secondes œuvres. Elle est baptisée « Bright future ». Spectrum est le titre de la deuxième section qui est réservée aux cinéaste plus reconnus et qui aux yeux des organisateurs présentent un apport certain au monde de l’image dans le monde entier. Quant à la troisième, elle accueillera les œuvres expérimentales et installations vidéo d’où son appellation métaphorique « Signals ». en simplifiant la structure de la programmation les organisateurs entendent répondre à un changement réel dans le monde du cinéma et des arts de l’image. C’est selon Rutger Wolvson, une façon pour le festival de regarder vers le future du film comme culture.
La nouvelle tendance aussi dans l’esprit du festival se situe aussi au niveau du sens que la compétition va prendre dès cette année. La compétition a été jusqu’ici un complément de soutien au jeunes réalisateurs pour la production de leur premier film en combinaison avec le Cinemart et le Hubert Bals Fund. La nouvelle idée est de se servir du prestige de la compétition pour faciliter la circulation des films sélectionnés et / ou primés à Rotterdam dans les festivals afin de promouvoir leur distribution. Cette orientation vient répondre à la conscience que le monde du film d’auteur est en train d’être confronté à des difficultés énormes au niveau de la distribution et de l’exploitation.
La section traditionnelle des hommages fera honneur à trois cinéastes : le Polonais Jerzy Skolimowsky, l’Italien Paolo Benvenuto et le Suisse Peter Liechti. Les trois messieurs feront le déplacement à Rotterdam pour accompagner leurs films. Mais la touche 2009 est réservé aux tous premiers grand pas de cinéastes célèbres. « First things first » est ce que nous pourrions traduire par « d’abord les toutes premières choses ». Dans cette section seront projetés les films de réalisateurs qui depuis ont eu une reconnaissance internationale. On retrouvera entre autres Manoel di Olivera avec Duro Faina Fluvial de 1931, Jean-Marie Straub avec Machorka Muff de 1963…
La manière est peut-être différente des éditions précédentes, mais le but reste le même : être à l’écoute des grands changements que connait le monde de l’image et du cinéma. Le festival continue de porter un intérêt primordial à la cinéphilie dans son sens le plus classique. Mais il se veut aussi l’écho de tout ce qui peut agir sur la sensibilité à l’image et à sa consommation. De ce point de vue Le festival de Rotterdam restera fidèle à l’esprit qui a fait sa réputation : Etre toujours le premier à se demander « Quoi de neuf … ? »