Friday 26 November 2010

Deux documentaires tunisiens au rendez-vous


Deux cinéastes tunisiens, Hichem ben Ammar et Kaouthar ben Hania, participent depuis quelques jours au Festival International du Documentaire d’Amsterdam (IDFA). Il n’est pas si facile, encore moins fréquent, de voir nos cinéastes participer à des festivals de haut niveau. Les raisons sont loin d’être évoquées en quelques lignes. Toujours est-il cette participation mérite amplement d’être mise en valeur.
Hichem ben Ammar est un vieux routier de la cinéphilie tunisienne. Il vient de la critique de cinéma. Ancien président de l’Association Tunisienne pour la Promotion de la critique Cinématographique, il a choisi avec entêtement de se vouer au documentaire. Il réalise, produit et même il en organise un festival. Tout ceci s’inscrit dans une démarche cohérente.
Kaouthar ben Hania vient aussi du milieu associatif. Elle est issue de la Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs d’où venait aussi Hichem ben Ammar. C’est là qu’elle fait ces premières armes avant de suivre une formation académique à Tunis puis en France. Elle aussi s’est très tôt engagée sur la voie du documentaire en tant directrice artistique de Doc à Tunis. Après avoir fait quelques courts métrages. Là elle passe à une vitesse supérieure.
Les deux cinéaste se retrouvent dans l’un des, si ce n’est Le, plus grand festival de documentaire au monde. Ben Ammar vient présenter Un Conte de faits dans une section parallèle du festival, l’antichambre de la sélection officielle ; l’autre est en lice pour le prix de la première œuvre avec Les Imams vont à l’école. Le premier est une pure production locale, tunisienne ; le second, une Coproduction franco-imaratie, est présenté comme un film français. Pourtant, si les deux films ont pu avoir cette visibilité c’est qu’il relèvent en un sens, le pari de l’universalisme tout en restant poche de l’environnement réel dans lequel les films sont faits.
Hichem ben Ammar, depuis ses premiers documentaires avait rompu avec deux fardeau du genre sous nos cieux : la folklorisme et le misérabilisme. Par son style et par le choix de ses sujets, il se situe dans la modernité la plus évidente. Son nouveau film s’inscrit dans cette continuité. Ce qui arrive à Anas, le jeune musicien prodigieux, pourrait arriver à n’importe quel enfant dans le monde. C’est pourquoi, il est confronté au challenge de se mettre au niveau de n’importe quel jeune du monde en rejoignant l’école londonienne de musique qui est effectivement ouverte à tout les jeunes du monde. Mais c’est aussi le défi du père d’Anas qui s’accroche à son droit de donner à son fils toutes ses chances.
Comme Anas se réclamant de toute la musique du monde, le réalisateur se pose comme défi de prendre sa place sur la scène du documentaire la plus en vue au monde. Le film est passé auparavant et entre autre au festival de Milan qui est destiné aux cinématographie du Sud. La sélection à IDFA vient confirmer le droit à l’ambition universelle. Le prix est simple, rigueur et confiance en soi.
Kouthar ben Hania est aussi fidèle à son contexte. Pour elle c’est sa condition d’émigrée en France qui l’inspire. A l’ère du clash des civilisations, à l’ère de la question problématique de l’intégration et de l’éveil des débats identitaires, la jeune réalisatrice est interpellée par l’une des mesures prise dans le cadre de la nouvelle politique de l’émigration en France : la formation des Imams et aumôniers musulmans. Avec Humour, Ben Hania, montre comment un phénomène est pris avec légèreté finit par touché des valeurs fondamentales de la démocratie et des droits de l’hommes dans le pays de la République. Même si le film se veut trop démonstratif et l’argumentation manque de force intellectuelle et verse très peu dans la nuance (il y a chez la cinéaste une volonté de faire un acte politique plus qu’un acte de pensée) l’engagement de la cinéaste impose le respect. Et quoi de plus respectueux que d’être dans une telle compétition.
C’est la consécration d’une démarche honnête, intellectuellement parlant. Par son film, Ben Hania se prend position entre sa culture d’origine d’une part, et le débat très actuel qui anime, souvent avec passion d’ailleurs, les sociétés d’Europe. C’est un challenge de taille que de vouloir prendre part à un débat aussi complexe et aussi exigent que celui de la cohabitation des cultures et des religions.
Voilà ce un peu qui se passe avec ces deux cinéastes de deux générations différentes. En fait il vaut mieux être positif et parler plutôt des raisons qui rendent ce type de présence sur la scène internationale possible. Le secret, semble-t-il, réside dans la conviction qu’il faut avoir une certaine rigueur dans le travail doublée d’une profonde conscience du fait que le cinéma est à la porté de tous pourvu qu’y met l’énergie nécessaire. Mais pour cela il faut être exigent avec soi-même et prendre son travail de cinéaste au sérieux pour avoir cette confiance en soi et de-là se dire : moi aussi j’ai ma place et en toute légitimité.

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