Saturday 11 September 2010

La Chine n’est pas loin


Le tournant de la deuxième semaine de Venise aura été chinois. Dimanche le public a découvert un superbe Détective Dee dans le style des épopées chinoises à la Zang Ymou. Lundi, était le tour du film surprise qui s’avèrera être un autre film chinois, Le Fossé. Le premier avait créé le spectacle et avait réconcilié le public avec les grandes épopées haute en couleur, le second, une fois découvert fut une révélation poignante de tous point de vue sur une réalité des plus abjecte.
Il semble que les films chinois sont de plus en plus incontournables pour tout festival qui voudrait répondre à des attentes diverses et exigeantes. Détective Dee et le mystère des Fantômes brulants des frères Hark reste fidèle à la tradition perpétrée par ce qui s’appelait la cinquième génération des cinéastes Chinois. Dans un style complètement différent, Le Fossé de Wang Bing, prend le spectateur par les tripes et le met en face d’une réalité crue et une vie rugueuse. Ces deux films désignent à eux seules, les deux principaux sillons du cinéma chinois : l’épopée dans la continuité du théâtre traditionnel avec costumes et masques, et le film réaliste qui enregistre un mode de vie aux limites du vivable.
L’Inscription dans l’histoire lointaine du pays, les costumes, les chorégraphies et la dimension moralisatrice sont les ingrédients qui font toujours rêver les spectateurs. Le récit ponctué par des combats d’arts martiaux entre des personnage d’une beauté féérique donne un rythme au film hypnotisant. Ceci est le propre des films chinois qui remontent aux temps lointains, des grandes dynasties des empires d’antan. Les frères Hark ont choisi en plus d’articuler le tout sur une trame d’enquête policière commandée par la toute première impératrice dans l’histoire de l’ancienne Chine à un l’enquêteur mythique De Renjie, le Sherlock Holmes de la chine médiévale. Ils donnent à voir un film policier dans le moyen âge comme l’aurait fait Umberto Eco dans Le Nom de la rose sur un fond de cause et de thématique féministe très moderne.
Tout autre est le rythme et le ton du film de Wang Bing. L’époque contemporaine est peinte comme une époque de souffrance. Les personnages marchent lentement comme des fantômes sortis des tombes où ils sont enterrés au sens propre et figuré, ou rampent même comme des rats pour entrer dans les cavernes aménagées dans le sol en casemates d’ouvriers. On apprendra que ces ouvriers sont des cadres et des intellectuels condamnés aux travaux forcés comme ceux que Stalines envoyait au Goulag en Sibérie et d’où aucun ne revient. Les images ne sont pas du tout stylisées et le tournage se passe dans des décors naturels des steppes de la Chine profonde. Là l’Homme devient animal avant de fondre complètement dans la poussière glaciale du désert.
Voici donc deux styles de cinématographiques différents avec un seul objectif : peindre la chine. Chacun des deux cinéastes en a une. L’un remonte vers la Chine impériale du septième siècle, celles des empereurs et des preux chevaliers qui se sacrifient pour le souverain et au-delà pour le peuple. L’autre choisi de témoigner d’une réalité politique contemporaine à travers les camps de prisonniers politiques, qui pas plus loin qu’une paire de décennie, menaient à la mort la crème des intellectuels du pays au nom de la sacrosainte « Dictature du prolétariat ». Les deux se rencontreront enfin de compte au même point : comment le cinéma peut célébrer la grandeur et les contradictions de ce pays qui traversent son histoire de bout en bout.

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