Saturday 4 September 2010

Sophia Coppola donne le La


C’est parti en douceur à Venise. La 67ème Mostra internationale di Venezia n’a pas apporté de surprise les trois premiers jours. L’annonce de la sélection officielle, le jury présidé par la star américaine Quintin Tarantino n’avait pas provoqué de sensation remarquable. La confirmation d’un 23ème film en lice Essential Killing du Polonais Jerzi Skolimowsky, en attendant la révélation du 24ème retenu comme film surprise, n’attire pas vraiment l’attention. Et même la programmation d’un court métrage de 9 minute de l’Iranian Jafar Panahi n’a pas eu l’effet escompté interdit de voyage chez lui.
Les premiers jours étaient donc plutôt décevants. Le film d’ouverture Black Swan (Le Cigne noir) de Darren Aronovsky a été accueilli par une certaine froideur. Même les noms connus comme ceux de Dino Risi qui présenta son nouveau film Parfum de femmes et Bertrand Blier avec Le Bruit des glaçons n’ont pas pu donner le ton à l’édition 2010 de Venise. On s’attendait à quelque chose du coté chinois avec Tran Anh Hung qui présentait Le Bois Norvégien. On comptait surtout sur Miral de Julian Schnabel qui aurait pu susciter un petit remous par son sujet à sensation. Le film retrace l’histoire de l’affaire palestinienne et du processus de la colonisation israélienne à travers le parcours réel d’une journaliste américaine d’origine palestinienne. Aucune de ces possibilités n’a eu de prise sur le public de la Biennale.
C’est au troisième jours que les choses ont bougé. Il y a eu d’abord la pluie, beaucoup de pluie… On dirait un signe du ciel que des choses allaient se passer ce jour –là. Dès le matin, on pouvait voir les nuages s’accumuler au-dessus du Lido. On voyait l’orage venir, et il vint quelques heures plus tard dans la journée. La salle de presse était pleine de journalistes attablés pour écrire leurs dépêches annonçant le bon jour. Le toit commença d’abord à laisser passer quelques goutes et puis l’eau s’abattit d’un coup sur les ordinateurs et l’électricité fut coupée… le reste des articles sera dicté par téléphone aux rédactions en place comme au bon vieux temps.
C’est le charme de Venise. Chaque année on attend l’orage, on sait qu’il va venir. De la même manière on attend les bonnes surprises cinématographiques. Au troisième jour donc, l’orage vénitien est venu et avec lui le cinéma. Comme si le premier célébrait le second.
C’est sous l’impact des goutes d’une pluie torrentielle que nous avons regardé Somewhere (Quelque part) de Sophia Coppola. La fille du grand cinéaste Francis Ford Coppola n’a pas manqué à sa réputation, ni au nom de la famille comme à l’Italienne. Son nouveau film, produit par son frère Roman Coppola, fait sensation. Pourtant c’est un film sur l’ennui que vit un célèbre acteur hollywoodien. Le grand succès que connait Johnny Marco le jette dans une crise existentielle et le plonge dans l’univers lugubre de la drogue et des filles jusqu’à perdre le sens et le gout de la vie. C’est sa fille (11 ans) qui le récupère de sa perdition et la ramène en toute naïveté et douceur vers le sens authentique des choses et des sentiments réels. Et Sophia Coppola de traduire cette simplicité enfantine au moyen d’une mise en scène dont le dépouillement lui permet de gagner amplement en profondeur.
On a ressenti le même dépouillement dans l’autre belle surprise de la journée. Silent Souls (Les Ames silencieuses) du Russe Aleksei Fedorchenko. C’est aussi un film sur le sens de la vie. Le minimalisme au niveau du scénario et de la mise en scène n’enlève rien à la profondeur et à la richesse des sentiments décrits, et encore moins à la poésie qui se dégage des images et des voix. Un homme perd sa jeune femme. Il invite son ami et employé à lui rendre les derniers hommages incinérant son cadavre selon les us de la région. Tout en montrant le processus dans sa cruauté, Fedorchenko sonde les âmes de ses personnage à la recherche des profonds sentiments d’amour, d’amitié, de complicité,… le tout dans une atmosphère de grande poésie. Et au-delà, le film est une leçon sur la manière d’utiliser un matériaux du patrimoine mythologique local pour s’élever au niveau de l’universel sans perdre de pertinence et de richesse des messages.
Ainsi, deux cinéastes relativement jeunes (autour de 40 ans chacun) donnent le La à cette 67ème édition de la Mostra de Venise. On y prend gout et on attaque le reste des jours avec plus d’appétit cinéphilique. Surtout que la Tunisie y est représentée par deux de ces enfants. Abdellatif Kéchich vient présenter son nouvel opus Venus Noire en compétition officielle et Mustapha Hasnaoui avec sa complice Marianne Khoury sont inscrits dans la section Horizzonti avec leur documentaire Zelal. Mais il reste qu’au quatrième jour le film le plus attendu est Lettre à Elia de Martin Scorcese, un documentaire à la mémoire du grand cinéaste Elia Kazan…. Il y a donc encore des choses à voir.

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