Maki'la de Machérie Ekwa Bahango est un film de genre avec des composantes locales puisées dans les rues de Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo. Ces rues et les enfants qui y vivent coupés de toutes attaches familiales et sociales sont l’objet de beaucoup de fantaisie. Ils sont souvent traités comme sujets sensationnels et souvent même teintés de misérabilisme et de pathétique. La toute jeune cinéaste congolaise, elle en est à son tout premier long métrage, en fait un matériaux cinématographique.
Dans le film de gangster comme genre, le héros est le plus souvent un homme. Machérie rompt d’emblée avec cette règle. Son Héros s’appelle Maki, une jeune femme qui se bat comme elle peut pour survivre dans les rues de Kinshasa. Mariée à Mbingazor, le chef d’un gang de jeunes, elle décide de voler de ses propres ailes ne trouvant plus aucune satisfaction ni dans le mode de vie de ce groupe ni dans son ménage. Le destin met Acha sur son chemin, encore une adolescente perdue dans un Kinshasa sans âme qui ne la ménage pas. Cette rencontre est un facteur important dans la transformation du personnage de Maki comme si son caractère se retrouvait renforcé par le sens de la responsabilité.
Le groupe évolue en dehors de toutes interaction avec la société. Il a ses propres lois comme les gangsters et les membres de la mafia dans les films noirs. Le mariage, à titre indicatif, est célébré entre copains en plagiant/caricaturant le rituel religieux de référence. Chacun des membres du gang se fait baptisé au nom d’un stéréotype social. A un certain moment un déclic advient dans la tête de Maki et fait qu’elle ne supporte plus le mode d’être de ces compagnons occupés tout le temps par ne rien faire sinon à fumer et boire. Allusion subtile de la part de la réalisatrice à l’impasse et l’immobilisme qui étouffent la société congolaise.
Le réveil/révolte de Maki se dessine alors comme un appel à un changement qui devient nécessaire. Mais que peut la jeune femme contre un système plus fort qu’elle. Les scènes de confrontation tournant, à des moments, en des combats de corps à corps avec Mbingazor, qui fait la loi, sont comme des métaphores de confrontations sociales entre peuple désireux de changement et un pouvoir oppresseur illégitime. Lorsqu’en fin une lueur d’espoir se dessine, l’intervention du monstre Mbingazor est fatale et pour lui-même et pour Maki.
A l’issue d’une lutte physique entre les deux personnages, Acha tue Mbingazor par une balle d’un pistolet que Maki venait d’usurper à un client. Au même moment celle ci reçoit un coup de poignard. Avant de se tirer une balle dans sa tête, elle révèle à Acha que celui qu’elle venait de tuer n’est autre que le frère qu’elle recherchait. Acha est plus que jamais perdue. Elle perd Maki son seule soutien dans la vie. Elle met fin à son propre et ultime espoire de retrouver son frère rêvant d’atteindre en fin un havre de paix. La séparation d’avec celui-ci est double, puisque la jeune fille réalise qu’elle venait d’être violée par son propre frère.
Il y a là un constat sombre sur la société congolaise. Avec quoi Acha va-t-elle affronter le reste de sa vie? Le souvenir de cette scène sanglante finissant par un fratricide, de l’argent que Maki avait rapporté et qui aurait pu/dû les sortir du cercle de la pauvreté et de la violence, probablement un enfant issu d’un inceste doublé de viol. Acha, tout comme la société congolaise, n’est pas sortie de l’auberge. La spirale du desespoire continue, semble nous révéler Machérie Ekwa Bahango par un cri de colère assourdi sous la forme d’un film noir.