Très attendu, Weldi, le nouveau film de Mohamed ben
Attia a été sélectionné dans la 50ème quinzaine des réalisateurs.
Tout le monde se demande si le réalisateur tunisien va avoir un succès pareil à
celui de son premier film à Berlin en 2016. Si ben Attia confirme son style et
sa maîtrise de l’écriture cinématographique, il est difficile de retrouver la
fraîcheur de son premier long métrage.
Dans Weldi, ben Attia prend le défi de s’attaquer à un thème aussi bien
brûlant que difficile. Son personnage principal cette fois est un père dont le
fils (Sami, 19 ans, préparant son Bac) part en Syrie, à l’instar de milliers
d’autres jeunes tunisiens ayant rejoint les rangs des Djihadistes et profitant
de l’instabilité que connaît la région depuis 2011. Si Dans Hédi, le père était le grand absent, Weldi, est un film qui tourne autour de
Radhi, ce père maladivement attaché à son fils et qui est la figure centrale
des événements. Du reste, l’on a l’impression que certaines constantes
stylistiques et thématiques servent moins le second film qu’elles ne lui
pèsent.
Les personnages de Weldi semblent écrasés par une tension
qui est annoncée dès la scène d’ouverture par une crise de Sami, enfant unique
d’un couple de petits bourgeois de la banlieue de Tunis. Cette famille est à
l’image de toute une génération qui se sacrifie pour assurer un avenir meilleur
pour la génération suivante. Le couple investit entièrement dans l’avenir du
fils. Il est contrarié par un malaise : Sami a un mal de tête mystérieux. Ce
n’est en fait que la manifestation physiologique d’un malaise plus profond chez
le gamin, d’où son caractère sombre qui empreint l’ambiance familiale et
empêche tout épanouissement. Il n’y a aucune affection entre les parents dont
les échanges tournent quasi exclusivement autour de la maladie de leur enfant
et de sa scolarité.
Le départ en Syrie pour rejoindre
les groupes de L’IS est préparé par quelques indices annonciateurs. Il sèche
les cours au lycée, il disparaît dans le parc où il va faire du sport avec son
père. Ce départ, qui introduit le sujet brûlant de l’embrigadement de la
jeunesse par les forces obscurantistes devient tout d’un coup le centre du
film. Suit alors l’initiative prise par le père qui part sur les traces de son
fils en Turquie cherchant à rejoindre le territoire syrien dans l’espoir de le
ramener. On veut bien croire que le vrai sujet du film c’est moins l’enfant,
sujet à un lavage de cerveau, qu’un père en mal de pouvoir protéger sa
progéniture et de lui assurer un avenir meilleur. Pourtant il lui a consacré
toute sa vie. Il pense même vendre la voiture et prendre un prêt bancaire pour
lui financer des études au Canada. Lorsque l’enfant disparaît définitivement,
puisque les parents apprennent qu’il est mort, la famille est privée de son
centre de gravité et perd l’équilibre que le couple a su entretenir. Comme si
les parents avaient mis un peu trop de poids sur les épaule de leur fils, mais
ce poids est tellement lourd qu’il a fini par avoir un effet contraire à ce qui
est escompté, voire même néfaste.
Le film est donc sur l’échec
d’une génération. En même temps, il présente l’autre comme victime, sans y
mettre assez de nuance. La profondeur de la peinture de celle-ci a apparemment
souffert de la concentration sur la description de celle-là. Ceci a fait que
les personnages manquent de profondeur : la mère est trop schématique, le fils
est caricatural, quant au père, il évolue dans un seul sens. Ce dernier est
peut-être présent physiquement, mais c’est la mère qui mène la danse presque à
l’instar de celle de Hédi dans le premier film de ben Attia. Les quelques gestes
qu’il manifeste paraissent, du coup, artificiels. Aucun conflit avec l’épouse,
aucun redressement. Même la décision d’aller chercher son fils, sans l’aval de
celle-ci a plus à faire avec la relation père-fils qu’avec la mer qui incarne
le vrai pouvoir. Et même la scène finale le montrant en compagnie de jeunes
travailleurs de carrière, est une espèce de fuite et intervient d’une manière
un peu trop expéditive.
Le deuxième film d’un jeune
réalisateur demeure souvent une grande gageure. Ben Attia semble s’être rendu
les choses encore plus difficiles en plaçant la barre très haut dès son premier
film. Ce qui a manqué dans celui-ci c’est peut-être un degré d’élévation par
rapport aux faits et un peu plus de poésie qui nous avait tant fait plaisir
chez Hédi. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il garde un style et une maîtrise
de la réalisation qui ne manquent pas de promesses et ne tarderont pas de nous
offrir des œuvres entachées de moins de disgrâces. Avec les cinéastes de
talent, il y a lieux d’être plus exigent.
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