Saturday, 9 February 2019

Weldi de Mohamed ben Attia, Convainquant, mais … pas plus


Très attendu, Weldi, le nouveau film de Mohamed ben Attia a été sélectionné dans la 50ème quinzaine des réalisateurs. Tout le monde se demande si le réalisateur tunisien va avoir un succès pareil à celui de son premier film à Berlin en 2016. Si ben Attia confirme son style et sa maîtrise de l’écriture cinématographique, il est difficile de retrouver la fraîcheur de son premier long métrage.
Dans Weldi, ben Attia prend le défi de s’attaquer à un thème aussi bien brûlant que difficile. Son personnage principal cette fois est un père dont le fils (Sami, 19 ans, préparant son Bac) part en Syrie, à l’instar de milliers d’autres jeunes tunisiens ayant rejoint les rangs des Djihadistes et profitant de l’instabilité que connaît la région depuis 2011. Si Dans Hédi, le père était le grand absent, Weldi, est un film qui tourne autour de Radhi, ce père maladivement attaché à son fils et qui est la figure centrale des événements. Du reste, l’on a l’impression que certaines constantes stylistiques et thématiques servent moins le second film qu’elles ne lui pèsent.
Les personnages de Weldi semblent écrasés par une tension qui est annoncée dès la scène d’ouverture par une crise de Sami, enfant unique d’un couple de petits bourgeois de la banlieue de Tunis. Cette famille est à l’image de toute une génération qui se sacrifie pour assurer un avenir meilleur pour la génération suivante. Le couple investit entièrement dans l’avenir du fils. Il est contrarié par un malaise : Sami a un mal de tête mystérieux. Ce n’est en fait que la manifestation physiologique d’un malaise plus profond chez le gamin, d’où son caractère sombre qui empreint l’ambiance familiale et empêche tout épanouissement. Il n’y a aucune affection entre les parents dont les échanges tournent quasi exclusivement autour de la maladie de leur enfant et de sa scolarité.
Le départ en Syrie pour rejoindre les groupes de L’IS est préparé par quelques indices annonciateurs. Il sèche les cours au lycée, il disparaît dans le parc où il va faire du sport avec son père. Ce départ, qui introduit le sujet brûlant de l’embrigadement de la jeunesse par les forces obscurantistes devient tout d’un coup le centre du film. Suit alors l’initiative prise par le père qui part sur les traces de son fils en Turquie cherchant à rejoindre le territoire syrien dans l’espoir de le ramener. On veut bien croire que le vrai sujet du film c’est moins l’enfant, sujet à un lavage de cerveau, qu’un père en mal de pouvoir protéger sa progéniture et de lui assurer un avenir meilleur. Pourtant il lui a consacré toute sa vie. Il pense même vendre la voiture et prendre un prêt bancaire pour lui financer des études au Canada. Lorsque l’enfant disparaît définitivement, puisque les parents apprennent qu’il est mort, la famille est privée de son centre de gravité et perd l’équilibre que le couple a su entretenir. Comme si les parents avaient mis un peu trop de poids sur les épaule de leur fils, mais ce poids est tellement lourd qu’il a fini par avoir un effet contraire à ce qui est escompté, voire même néfaste.
Le film est donc sur l’échec d’une génération. En même temps, il présente l’autre comme victime, sans y mettre assez de nuance. La profondeur de la peinture de celle-ci a apparemment souffert de la concentration sur la description de celle-là. Ceci a fait que les personnages manquent de profondeur : la mère est trop schématique, le fils est caricatural, quant au père, il évolue dans un seul sens. Ce dernier est peut-être présent physiquement, mais c’est la mère qui mène la danse presque à l’instar de celle de Hédi dans le premier film de ben Attia. Les quelques gestes qu’il manifeste paraissent, du coup, artificiels. Aucun conflit avec l’épouse, aucun redressement. Même la décision d’aller chercher son fils, sans l’aval de celle-ci a plus à faire avec la relation père-fils qu’avec la mer qui incarne le vrai pouvoir. Et même la scène finale le montrant en compagnie de jeunes travailleurs de carrière, est une espèce de fuite et intervient d’une manière un peu trop expéditive.
Le deuxième film d’un jeune réalisateur demeure souvent une grande gageure. Ben Attia semble s’être rendu les choses encore plus difficiles en plaçant la barre très haut dès son premier film. Ce qui a manqué dans celui-ci c’est peut-être un degré d’élévation par rapport aux faits et un peu plus de poésie qui nous avait tant fait plaisir chez Hédi. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il garde un style et une maîtrise de la réalisation qui ne manquent pas de promesses et ne tarderont pas de nous offrir des œuvres entachées de moins de disgrâces. Avec les cinéastes de talent, il y a lieux d’être plus exigent.   

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