Tuesday, 9 December 2008

Kéchiche remporte la mise


Comme chaque année le premier samedi du mois de Décembre se tient la cérémonie des prix du cinéma européen dirigée par le cinéaste allemand Wim Wenders. Cette année la soirée des oscars européens a choisi Copenhague, pour scène. Plus 1500 professionnel européens se sont rendus samedi dernier à la capitale danoise pour élire leurs meilleurs de l’année. 2008 aura connu, en effet, le succès incontestable de Gomorrah de l’italien Matteo Garrone. Il aura été meilleur en tout ou presque : film de l’année, réalisateur, scénario, image, interprétation masculine et musique. L’autre grand succès de l’année mais aussi de la soirée aura été La Graine et le mulet de Abdellatif Kechiche qui remporte le prix de la critique internationale.
En attribuant son prix à un cinéaste comme Abdellatif Kechiche, la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique (FIPRESCI) consacre purement et simplement un auteur de cinéma. Non seulement elle rend hommage à tous ces cinéastes souvent marginalisés à cause de leurs origines, mais elle reconnait surtout le talent de ceux qui s’engagent pour un cinéma autre, indépendant et qui se dressent contre les machines de guerre qui décident de la pluie et du beau temps par la main mise qu’elles ont sur l’industrie de l’image. Avec des films à petit budget qui reste cependant difficile à financer, Kechiche se bat dans sa banlieue française en faisant rencontrer de grands textes comme ceux de Marivaux avec les jeunes beures des cités de Nice, la ville où il a grandi.
Comme beaucoup de grands cinéastes Abdellatif Kechiche doit beaucoup au théâtre. C’est là qu’il fait ses armes en tant qu’acteur quelques années seulement après avoir débarqué sur la côte d’azur venant de Tunis, sa ville natale. Ses première prestations de comédien le lancent rapidement sur les scènes du quatrième art les plus connues comme celle d’Avignon où il présente, et déjà comme metteur en scène, L’Architecte et l’empereur d’Assyrie(1981) d’Arrabal.
C’est un autre Maghrébin, Abdelkrim Bahloul, qui lui fait découvrir le grand écran en le faisant jouer dans son film Un thé à la menthe(1985). Il est rapidement repéré par André Téchiné qui le dirige aux côtés de grands acteurs français comme Claude Brially et Sandrine Bonnaire dans Les Innocents (1987). Son parcours d’acteur est couronné par le prix de la meilleure interprétation masculine au Festival du Film Francophone de Namur pour sa prestation dans Bezness (1992), un film de son compatriote Nouri Bouzid.
Pendant les années 90, Abdellatif Kechiche sera très peu vu sur scène. Mais lorsqu’en 2000 il présente La Faute à Voltaire, son premier long métrage en tant que réalisateur, il compense toutes ces années d’absence et s’impose tout de suite comme un réalisateur au talent incontestable. Pourtant on ne peut dire qu’il choisit la facilité. L’émigration est l’un des sujets les plus représentés au cinéma dit d’émigration. L’histoire de Jalel ce jeune émigré clandestin de Tunisie rencontre un grand succès. D’emblée kechiche est reconnu comme un jeune talent au Festival de Venise où il reçoit le Lion d’or de la première œuvre (2000). Puis il enchaînera plusieurs prix en passant par plusieurs festivals : Namur, Stuttgart, Angers, Cologne.
Quatre ans plus tard, L’Esquive viendra démontrer que le succès du film précédent n’était pas un hasard. L’histoire de ces jeunes répétant Les jeux de l'amour et du hasard, un classique du théâtre français, est accueillie avec ovation lors de la cérémonie des Césars où il remporte quatre trophées. Le succès de ce film ne se limitera pas à la métropole puisqu’il remportera plusieurs prix dans des festival internationaux comme Stockholm et Turin.
A l’instar de L’Esquive, La Graine et le mulet remporte aussi quatre Césars en 2008 (meilleur film français de l'année, meilleur réalisateur, meilleur scénario original et meilleur espoir féminin). Mais déjà il avait eu tous les honneurs au Festival de Venise en remportant le Prix du Meilleur Jeune Espoir, le Prix Spécial du Jury, Prix de la Critique Internationale - FIPRESCI. La consécration européenne qu’il reçut samedi dernier pour ce troisième film est la preuve d’une maturité qui vaut le respect de la profession, l’appréciation du public et la reconnaissance de la critique.

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