Saturday, 3 October 2009

Rhétorique de la colère


« Faire le point, quelle horreur »
Rhizome, G. Deleuze et F. Gattari.
Le temps qu´il reste, le nouveau film de Elia Souleimane sort cette semaine en Tunisie distribué par Cinemafricart. En même temps nous apprenions le report de la rétrospective d´André Téchiné qui était prévue dans la même salle. Il semble que l’essentiel de l’activité cinématographique en termes d’offre réelle d’image se joue, hélas dans cette seule salle. Qu’eut été plus intéressant si on pouvait avoir le film d’Elia Souleimane dans une salle et la rétrospective d’André Téchiné dans une autre, qui ne soit pas très loin. Ce temps est malheureusement révolue. Peu importe, la programmation de Le temps qu’il reste est à elle seule suffisante pour le nombre, qui se réduit comme une peau de chagrin, des cinéphiles aguerris. C’est aussi pour ceux-là que Cinemafricart est encore là, résistant contre l’usure du temps, et la désertification qui menace le monde de l’image.
Il est question de temps aussi dans le film de Elia Souleimane, mais dans un tout autre registre. L’an 2008, a vu des festivités tournant autour des 60 ans : ceux de l’établissement de l’Etat sioniste d’un côté, et ceux de la blessure palestinienne de l’autre. Célébration de la naissance d’un corps donc, et remémoration de l’amputation et de l’éclatement d’un autre en même temps. Quoi de plus absurde que cela ! Que peut-il se passer alors dans la tête d’un cinéaste au milieu de ces fêtes et contre-fêtes, entre ces cérémonies de célébration joyeuse et remémoration douloureuse ?
Elia Souleymane fait son film dans ce contexte précis. Officiellement, il est de nationalité israélienne, comme c’est la situation absurde de tant d’arabes palestiniens condamnés à vivre au sein d’Israël comme pour renvoyer incessamment le monde à sa mauvaise conscience. Le film qu’il fait ne peut que s’inscrire dans ce cadre. Or, Souleymane décide de ne voir les événements qu’à l’aune de sa propre et intime histoire, qu’à travers son propre déchirement. C’est pourquoi il le conçoit en une autobiographie cinématographiquement écrite.
L’idée de la remémoration qui marquait tous les esprits en 2008, se retrouve avec la situation dramatique du retour du voyage. Mais on ne revient pas en Israël, quand on est palestinien, comme on revient tout simplement chez soi. Justement ce « CHEZ SOI » !. Comment le définir ? Comment le sentir ? Il y a certes, la maison familiale, il y a bien la mère, mais il y a surtout un hic. On revient chez soi avec l’idée que ce n’est plus vraiment un chez soi. On en perd même le sens et l’orientation.
Toute l’histoire de ce film tient dans le trajet que fait le taxi conduisant le cinéaste de l’aéroport de Tel Avive vers la maison où se trouve sa mère. Il fallait bien que ce soir là, volonté du destin, il y ait un orage très fort qui fait que la voix du conducteur, très bavard apparemment, parvient en bribes, comme celles de la mémoire, aux oreilles de son passager. Cet orage dont l’éclair est là comme pour renvoyer au feux d’artifice. Comment dans ce contexte ne pas associer le tonnerre aux bruits, aux voix qui s’élèvent de partout se contredisant, se croisant et se tordant les unes les autres jusqu’à se nier mutuellement. La pluie, oui cette pluie qui brouille les routes et fait que le chauffeur ne retrouve pas son chemin et se perd. 60 ans d’orages, 60 ans de guerre, 60 ans d’explosions déchirant, par leur lumière et leur bruit, le calme des nuits et empêchant les enfants de dormir, 60 ans qui ont brouillé les carte ont fait disparaitre les chemins. C’est cela l’orage qu’Elia Souleimane choisit comme moment de retour dans l’espace, dans le temps et dans la mémoire.
Or, c’est une mémoire brouillée que le film donne à voir. Rien ne tient sa place. Il est vrai que l’histoire est revue au prisme de la subjectivité. Le cinéaste ne se propose pas de reconstituer l’histoire, sinon laquelle ? Son choix réside dans le fait d’exhumer ce qui reste au fin fond de lui-même comme souvenirs, comme sentiments, comme images, comme voix,…Mais là encore rien de construit. Le film refuse de mettre de l’ordre dans les choses. Ce ne serait pas logique et ce ne serait de toute façon que superficielle.
Pourtant il y a bien un effort d’organisation, une tentative de voir un peu plus clair. Les grandes étapes de l’histoire du pays sont certes là. Mais elles sont comme des bornes kilométriques qu’on voit passer sans s’en rendre vraiment compte et sans prendre conscience de ce qu’il y a entre une borne et une autre. Le temps est passé, oui, mais que c’est-il passé à ce peuple décimé, à ce territoire sans frontières et à peine reconnaissable. Le temps est passé vite. Il y a eu tellement de choses, tellement d’absurdités, qu’on arrive à peine à retenir quelques images comme celles qu’on trouve dans un album de photos. On revoit les photos les faisant passer les unes après les autres, on retrouve peut-être quelques émotions. Mais à la fin ce qui reste, c’est juste le sentiment que le temps est passé.
Le film est conçu un peu comme un album de photos. Il est fait, presque exclusivement de plans fixes comme pour dire au temps de s’arrêter afin que la conscience puisse comprendre ce qui s’est passé. Afin que la mémoire puisse retrouver les sensations des moments. Le plan fixe, dans Le temps qu’il reste d’Elia Souleymane, est un cri de douleur et de révolte contre l’absurde, contre l’injustice et contre ce temps qui passe sans répit et dans une indifférence bête et stupide comme celle du monde qui voit les faits sans pourvoir intervenir.
Ce cri, de colère enragée, prend aussi la forme la plus explicite et la plus éloquente dans le mutisme. Elia Souleimane ne dit pas un mot durant tout le film. Le chauffeur du taxi, est un torrent de verbiage sans sens qui se confond avec le bruit de l’orage. La confusion des propos se mélange à la perte des repères et à la perdition dans l’espace. De l’autre côté, le passager observe un silence tragique. Le mutisme du cinéaste face à la situation, face au moment, face à l’histoire, accompagné de l’humour qui teint les situations que le film parvient à visualiser de temps à autres, laisse un gout d’amertume qui pèse lourdement, à telle point que la langue est comme ligotée et ne peut se délier pour articuler les mots. Les mots ne sortent pas, le personnage reste interdit en plein sens du terme. Seule le regard est là. Un regard vide pourtant les yeux sont grands ouverts. Justement comme ceux de toute le monde, qui regarde sans vraiment voir la porté du mal.
Mais de toute façon il n’y pas de mots qui soient capables de dire ce qui ne peut être dit. Comment dire l’indicible, c’est cela semble-t-il le propos de ce film. Quand tous les discours s’avèrent inutiles, quand toues les conventions et tous les accords, restent sans aucun impact sur la réalité des peuples, l’acte le plus révolutionnaire devient de crier dans un espoir de faire entendre sa voix, mas surtout pour faire comprendre que la bêtise humaine a dépassé toutes les limites du raisonnable au sens de ce qui pourrait être formulé et conçu par la raison humaine. C’est dans ce sens qu’Elia Souleimane en perd les mots.
Le Temps qu’il reste n’est pas une reconstitution de l’histoire, il est peut-être une autobiographie intime où le cinéaste revoit les évènements au prisme de sa conscience, mais c’est surtout, un moment de lucidité intellectuelle et cinématographique. Elia Souleymane semble se dire : Comment puis-je penser ce moment de l’histoire ? et par là-même comment puis-je lui donner forme et sens ? Or, l’aveu d’échec qu’il formule cinématographiquement, donne au film toute sa force de résistance grâce à une rhétorique pertinente de la colère la plus calme mais la plus lourde parce que pleinement remplie de la conscience de l’absurde.

Sunday, 27 September 2009

Drame Humain et culturel


Le début du moi de septembre n´aura pas été de bonne augure pour l´Afrique et pour le Burkina Faso. Des pluies diluviennes se sont abattues sur Ouagadougou, la capitale du pays des hommes intègres le 1 de ce mois. Pour l´un des pays des pays les plus secs du monde ces pluies auraient été attendues comme porteuse de tant de biens. Mais la nature en aura décidé autrement Il semble qu’elle s’est particulièrement acharnée sur le pays : plus de 300 mm en pas plus de 12 heures. C´est là un drame de plusieurs points de vue. Outre les pertes humaines et matérielles, d’aucuns crient au drame culturel.
Le pays ne sait de quel côté se tourner. Les conséquences sont néfastes. Des milliers de personnes sont sans abris (150.000). Plusieurs infrastructures ont été partiellement ou entièrement détruites. Il y a plus de personnes disparues que des morts. En plus de cette catastrophe économique et humaine qui vient s’abattre sur un pays qui a bien d’autres maux à combattre, les flots se sont attaqué au seul et plus important patrimoine cinématographique de l’Afrique, la Cinémathèque Africaine. Après l’inondation beaucoup de films, selon l’AFP, seraient en danger puisque l’eau était rentrée au niveau du stock.
Entre 1500 et 2000 copies de films africains sont archivées dans cette institution unique en Afrique qui fonctionne depuis 1992. Certaines de ses copies sont uniques et risquent d’être perdues à jamais. Pour la mémoire cinématographique africaine c’est là un coup dur à supporter. Tous les efforts et les espoirs des cinéastes africains de s’attribuer des archives africaines dignes de ce nom, ont reçu un grand coup de massue du destin.
Cette cinémathèque est en effet le fruit d’un long combat dont le début remonte à l’année 1973, lorsque la Fédération Africaine des Cinéastes s’engageait à faire de la constitution de la cinémathèque un objectif principal de son action. En 1989, la cinémathèque voyait le jour. Elle s’est appuyée sur le fond de films qui existait déjà au FESPACO depuis les années 60. Février dernier, lors du quarantième anniversaire de ce festival, la cinémathèque fêta ses vingt ans d’existence et faisait le bilan de son action.
Parmi les 2000 films recensés, certains sont vraiment des perles rares ; des films des années 1920 - 1950 tournés dans les colonies africaines comme la croisière Noire, de Léon Poirier;1925); d’autres films didactiques produits en Afrique dans les années 60 pour traiter des thèmes sur les efforts de construction des pays indépendants : l'agriculture, la santé etc.… En outre, elle contient des films d'auteurs représentatifs des cinématographies africaines : la cinémathèque possède par exemple la quasi totalité des films de Sembene Ousmane, de Djibril Diop Mambéty entre autres….
Le service de documentation de la cinémathèque est aussi un autre grand trésor de l’imagerie africaine. Y sont déposés plus de 6000 photos de films et de festivaliers, plus de 500 affiches de films etc.…. Il semble que cette partie a heureusement été épargnée par l'inondation.
Un travail de Titan avait été fait, et il est encore à refaire. Il semble que l’image de Sisyphe colle mieux aux professionnels du cinéma en Afrique. A chaque fois qu’ils réalisent quelque chose, ils sont obligés par un coup du destin : parfois c’est de la politique, parfois c’est l’économie mondiale… Cette fois c’est la nature qui prend sa part dans la persécution des artistes africains. Pour le moment le temps est à l’évaluation des dégâts, la récupération des films endommagés, la reconstitution du matériel technique… Il va falloir beaucoup d’énergie et de bonne volonté pour sauvegarder ce patrimoine africain et humain. Mais c’est peut-être là un moment de méditation sur les conditions meilleures pour la sauvegarde de ce patrimoine. Ces inondations auront été le mal qui aura permis de se rendre compte de certaines failles dans la structure qui existait. Le coup qui ne tue pas, dit-on, rend fort.

Le cinéma, oui … et la télévision !!!

Depuis quelques mois, le milieu cinématographique a connu une agitation particulière. Alors que la commission d’aide à la production siégeait pour l’attribution des fameuses subventions annuelles, les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel ont provoqué un débat autour de l’organisation du secteur. D’aucuns se sont retrouvés dans une commission nationale de réflexion, d’autre ont créé un collectif de jeunes professionnels de cinéma qui s´est érigé en une force de proposition. Chacun essayant de faire entendre sa voix et de faire des propositions. Lesquelles tournent autour de deux idées principales et qui ne cessent de revenir depuis le démantèlement de la SATPEC : une Cinémathèque et un Centre National de la Cinématographie.
Cette dynamique vient à un moment où notre pays connait beaucoup de changements au plan de la réalité que l’institution se doit de suivre. Le débat est en effet engagé au sein des structures ministérielles qui restent à l’écoute des différentes voix. La société civile continue de bouger aussi sur plusieurs axes. Le syndicat des Techniciens du Cinéma et de l’Audiovisuel œuvre de son côté pour définir le statut et les conditions de travail en fonction des nouvelles donnes du secteur : le développement de l’enseignement de l’audiovisuel et la multiplicité des chaines de télévision. L’Association Tunisienne pour le Promotion de la Critique Cinématographique a organisé il y a quelques jours, une table ronde autour du bilan cinématographique de l’année passée. Une remarque particulière à été faite quant à la dynamique provoquée par les jeunes cinéastes en parallèle avec les voix traditionnelles de la production. Il a été rappelé, à titre d’exemple, que l’année 2009 a vu la production de 51 courts métrages. Un record historique.
Il est vrai que l’institution est obligée de suivre le cours de la réalité par une sorte de mise à jour. Un projet de réforme totale du secteur s’avère de plus en plus indispensable face aux défi du moment. Mais une telle réforme ne peut se faire sans l’implication de la télévision. Depuis le début de la politique de privatisation du secteur de l’audiovisuel, les chaines ne cessent de se multiplier sous nos cieux. Or, non seulement la chaine nationale s’est petit à petit désengagé de son soutient traditionnel au cinéma, mais les nouvelles chaines ignorent totalement toute possibilité d´intervention. Il est peut-être temps que celles-ci soient impliquées dans la grande dynamique de l’image dans notre pays.
Même le projet des téléfilms lancé il y a quelques années et avait donné un souffle extraordinaire au secteur s’est vite évaporé suite au grand projet de réforme que l’ERTT avait connu. En l’espace de deux ans on a vu apparaitre plusieurs films dignes de tout intérêt fait par des cinéastes confirmés comme Abdellatif ben Ammar, Moncef Dhouib, Khaled Barsaoui, Naceur Ktari… Mais cette politique s’est arrêté subitement sans laisser de grandes conséquences structurelles parce qu’elle ne s’était pas installée dans la durée. Ce projet reste pourtant toujours d’actualité. C’est là une orientation qui mérite toute réflexion et qui nécessite une coordination entre le ministère de la culture et de la sauvegarde du patrimoine, le ministère de l’enseignement supérieur, le ministère de l’emploi, les chaines de télévision et les organisations cinématographiques.
Partout dans le monde entier, la connexion entre cinéma et télévision est presque naturelle, et ce à plusieurs niveaux : coproduction, promotion, diffusion,… Ceci n’est pas seulement dans l’intérêt des films, ni celui des chaines de télévision, mais surtout de la place que notre propre image authentique doit occuper dans les grilles des chaines tunisiennes. Lesquelles sont uniquement des marchés pour des productions dramatiques étrangères : turques, syriennes, égyptiennes, etc. Or, nous nous devons d’occuper la place qui nous est due. Pour cela les mesures sont bien connues : la participation des télévisions dans la production par le financements sous forme de préachat, les cotas de diffusion du produit dramatique national sur les ondes, l’incitation législative et fiscale des chaines privées pour investir dans la production dramatique.
La bataille de l’image ne peut se faire sur un seul front. Le développement du cinéma ne peut se faire indépendamment de l’implication de tous les intervenants dans la production et dans le marché de l’image. Or, il semble que nos chaines de télévision se développent sans aucune relation structurelle avec le cinéma. Il y a bien beaucoup d’intérêt pour tout le monde que de conjuguer les efforts dans le but de conquérir un espace sans lequel on risque de fondre dans un flux impitoyable d’une image sans identité, sans personnalité.

Friday, 28 August 2009

Venise, des Couloirs et des Boulevards

Le festival de Venise est l´un des quelques grands festivals de cinéma qui restent ouverts au cinématographies du Sud, notamment celles venant d´Afrique et / ou du Monde Arabe. La 66ème édition qui se tient du 02 au12 septembre 2009 ne déroge pas à cette orientation salutaire.
Le cinéma égyptien sera cette année à l’honneur à travers Yousri Nasrallah. Le Dauphin de feu Youssef Chahine se présente comme le chef de file du cinéma d’auteur en Egypte, le pays arabe où l’industrie cinématographique pèse de tout son poids faisant ainsi la pluie et le beau temps au bonheur et au malheur des cinéastes et artistes du septième art. Son combat pour le cinéma d’art et essai lui vaut une reconnaissance internationale bien méritée. Cela se traduit cette année par une sélection officielle en hors compétition de son dernier opus Ehky Ya Schahrazad (Raconte Schehrazad). Il se présente aux côté de grands noms du cinéma mondial comme Abel Ferrara, John Lasseter, Oliver Stone, Steven Soderberg,…Par contre on trouvera un autre Egyptien en compétition, Ahmed Maher avec El Mosafer.
La Tunisie aussi sera au rendez-vous de cette édition du Festival de Venise. Après Abdellatif Kéchich, Raja Amari prend la relève pour défendre les couleurs nationales sur le Lido. Après le succès de son premier long métrage, Satin rouge, la « benjamine du cinéma tunisien» confirme son talent avec La Berceuse ce long métrage qui lui ouvre les portes de Orrizonti, l’une des sections parallèle de la biennale et qui est dédiée au nouveaux talents du septième art.
Dans ce film, l’auteur de Satin Rouge semble fidèle à son style. Comme dans ses courts métrage, et son premier long métrage, elle cherche à peindre des portraits féminins tout en finesse. La Berceuse est l’histoire de trois femmes résidant dans les quartiers déserts des servantes dans une grande maison. Le calme de leur vie quotidienne est troublé par un jeune couple qui s’installe dans l’enceinte principale de la maison. Les trois femmes décident de ne pas manifester leur présence. Mais Aicha le cadette, se prend d’affection pour les nouveaux locataires.
L’histoire semble attrayante et promet une grande profondeur psychique des personnages. Le traitement cinématographique aidera-t-il Raja Amari à s’imposer face à des ténors comme l’Allemand Werner Herzog, et Alexandr Sokurov pour ne citer que deux noms ?
Les toutes dernières années ont vu le passage glorieux de quelques cinéastes qui depuis ont pris place parmi les grands noms du cinéma mondial. Nous citerons volontiers le Tchadien Mahamet-Saleh Haroun avec Daratt, la saison sèche, le Tunisien Abdellatif Kéchich avec La graine et le Mulet et l’Ethiopien Hailé Gérima avec Téza. Non pas seulement ces cinéastes ont participé à la compétition officielle mais aussi ils ont vu leur talent reconnu et récompensé.
En attendant que le palmarès de 2009 livre ses secrets on continuera d’espérer que nos films quittent les petits couloirs des rendez-vous cinématographiques et empruntent les voies des grands boulevards.

Hergla, cultiver l´ouverture

Les 5èmes Rencontres Cinématographiques de Hergla ont laissé une impression spéciale cette année. La manifestation a connu une grande métamorphoses et de par le nombre des partenaire qui s’est enrichi par de nouvelles institutions, et de par le nombre et la qualité des invités. Tout concourt pour confirmer l’orientation que cette jeune manifestation a prise et continue de suivre. Outre la programmation désormais traditionnelle de courts métrages et de documentaires d’Afrique et de la Méditerranée, l’édition 2009 a voulu marquer l’esprit d’ouverture sur le Nord. Cette manifestation organisé avec le soutien du Ministère de la culture et de la sauvegarde du patrimoine a vue cette année l’implication des instituts culturels étrangers qui ont intervenu sur des rubriques pensées avec une grande pertinence. Ainsi, cette cinquième édition aura réussi le pari qui préside à la création de cette manifestation : la rencontre entre les artistes, les amateurs des arts et l’échange entre les cultures. En témoigne non seulement la multiplicité des partenariats, mais aussi l’hétérogénéité et la richesse de la programmation. L’esprit d’ouverture est cultivé à plus d’un niveau : implication d’artistes et d’invités divers horizons Allemagne, Italie, France, Niger, Mali, Algérie, Bénin, Tunisie… L’ouverture se retrouve aussi au niveau de la diversité des forme artistiques. Conçue comme une manifestation cinématographique, les rencontres s’ouvres aussi sur toute forme d’art enrichissante et susceptible de répondre à la soif de culture qu’on ressent chez la jeunesse.

Saturday, 25 July 2009

Mohammad Bakri à Hergla


Il y a quatre ans nous recevions Mohammad Bakri en tant qu’invité d’honneur des Rencontres Cinématographiques de Hergla. Il venait alors présenter son film dédié à Emil Habibi, Depuis que tu es parti. La programmation de Zahra, son nouveau documentaire dans cette 5ème édition de la manifestation est tout simplement naturelle. C’est que Bakri et son œuvre représentent des valeurs que nous cherchons à promouvoir. Outre son humanisme, c’est un artiste au talent incontestable. Aussi bien au théâtre qu’au cinéma, il excelle en tant qu’acteur mais aussi en tant qu’auteur de ses propres oeuvres.
Né en 1953 en Galilée, Mohammad Bakri est fatalement confronté aux frontières physiques, intellectuelles, spirituelles les plus absurdes qui puisse exister. Il travaillera avec les meilleurs réalisateurs des deux côtés : Amos Gitai et Eran Riklis d’un côté, Michel Khleifi et Rachid Masharaoui) avec qui il partage le sens de l’engagement pour les valeurs humanistes pures.
Après des études de littérature arabe, Bakri se lance dans une carrière de Théâtre. C’est là qu’il commence à jouer dans des adaptations de grands auteurs dont notamment Federico Garica Lorca. Très vite il montera ses propres pièces : il écrit, interprète et met en scène. Outre ses textes à lui, il adaptera des œuvres d’écrivains très connus comme Emil Habibi, Saadallah Wannous, Tayeb Saleh, Arthur Miller. Ayant plus d’une corde à son instrument, Mohammad Bakri est acteur, comédien et réalisateur. Pour chacun de ces talents, il a reçu plus d’une consécration. Il est récompensé presque partout où ses films passent : Locarno, Valence, Carthage… En tant que réalisateur il est très vite reconnu comme l’un des meilleurs documentaristes du monde arabe. Avec Jenin, Jenin, il remporte le grand prix à Carthage en 2002. Il réitère son succès au même festival en 2006, avec Depuis que tu es parti…

Wednesday, 22 July 2009

Mustapha Alassane à Hergla


Il est plus que de l’ordre naturel des choses qu’une manifestation comme les Rencontres Cinématographiques de Hergla (05-09 août 2009) décide de rendre hommage à quelqu’un comme Mustapha Alassane. Non seulement le cinéaste nigérien est l’un des pionniers du cinéma en Afrique, mais aussi et surtout il est le père de l’animation dans le continent noir. S’il est difficile pour le cinéma en Afrique d’exister, il l’est encore plus pour un genre comme l’animation. Selon l’ordre des priorités, cela vient largement derrière tant d’autres. C’est à ce titre que notre manifestation décide cette année de consacrer une partie de son programme à ce symbole du huitième art africain. Cela est d’autant plus symbolique que dans le même programme figure un autre nom mythique de l’animation qui vient de l’Allemagne, Lotte Reiniger. Car ceci est aussi la vision de cette manifestation ; faire rencontrer des cultures, des univers artistiques de différents horizons.
Ce ne sera jamais assez lui reconnaître sa juste valeur de dire de Mustapha Alassane qu’il est l’un des pionniers du cinéma dans le continent noir. Son parcours à lui est vraiment à part. Alors qu’il était mécanicien, rien ne le destinait naturellement à un tel sort d’artiste de premier plan, qui plus est dans un domaine marginalisé, le moins que l'on puisse dire. La rencontre de Jean Rouch aurait pu à la limite le pousser à embrasser une carrière de technicien, … peut-être. Au mieux il aurait eu une carrière classique au sens de faire du cinéma comme celui de ses confrères Djibril Diop Mambéty, Sembene Ousmane, Oumarou Ganda. Là aussi il n’aurait certainement pas moins brillé.
Il n’aurait pas non plus, comme eux, manqué d’engagement. On l’entend encore répéter des phrases que cette génération de pionniers aimait certainement proférer : « …. Le cinéma peut et doit servir à modifier la mentalité de la masse. Chacun de mes films touche à la politique, ne serait-ce que parce qu'il suscite un intérêt auprès de la masse et est susceptible de lui faire prendre conscience de sa culture. Je pense que, pour le moment, le cinéma n'a pas suffisamment prouvé au monde que l'Afrique a une culture propre. Il doit pouvoir éveiller la conscience du spectateur sur des problèmes spécifiquement africains et guider l'Afrique dans une direction plus viable. » L’animation pour lui est en effet, l’équivalent des contes africains, tout simplement « édifiante », tout autant, voire plus, que les autres formes cinématographiques.
Non !!! Mustapha Alassane a préféré faire son chemin en solitaire, qui plus est, il était le seul à le faire en Afrique. Démuni de toute formation dans le domaine de l’animation et de l’image et n’ayant aucun aîné sur les traces de qui il aurait pu marcher, il se lance dans le monde du cinéma avec la seule force de sa volonté et le souffle qu’il a eu en côtoyant Jean Rouch. Un passage par l’école canadienne de l’animation plus tard avec son maître Norman McLaren l’arme de la technique nécessaire. Mais c’est à peine s’il en avait besoin de tout cela. Le reste n’est en fait qu’une affaire de discipline, de rigueur, et surtout d’une grande volonté de faire, de construire et de changer les choses.
Il accompagne la vocation qu’il a pour cet art d’une conscience de la nécessité de mettre en place une infrastructure. Car l’inspiration à elle seule ne suffit pas pour faire de l‘art il faut aussi de l’intelligence pratique, et le vieux routard de l’animation africaine m’en manque certainement pas. On penserait qu’il a élu Tahoua, la petite ville au nord du Niger, pour lieu du repos du guerrier. Non, là encore !!! C’est de là que la marche continue. Dans le petit hôtel qu’il possède, il tient son cartier général en transformant quelques-unes de ses chambres en studios et ateliers destinés à la production, mais surtout à la formation.
Avec son fils, qui est fin prêt à prendre le flambeau, et les quelques employés de sa boite de production, il s’est mis aux nouvelles technologies. Il est conscient que cela ne peut que mieux servir un art comme celui de l’animation. C’est ainsi qu’il n’hésite pas lui-même, à l’âge de soixante sept ans, à apprendre les techniques de l’animation assistée par l’informatique.
Il n’avait pas accès à tout cela, déjà en 1962 lorsqu’il n’avait pas plus de vingt ans, quant il réalisait ses premiers courts métrages ; La Bague du roi Koda et Aouré. En cela, il devançait d’une longueur, son frère d’arme, l’aîné des anciens Ousmane Sembene, qui ne réalisera Borom Sarret, son premier court métrage, que l’année suivante en 1963. La volonté lui avait alors suffi. Mais depuis, il en a vécu et fait des choses. Il en a surtout appris et continue d’apprendre encore aujourd’hui humblement et avec cette même volonté.
A son tour maintenant, il vient à Hergla pour transmettre. En lui rendant hommage à travers cette sélection, et en l’invitant à ces cinquièmes Rencontres Cinématographiques de Hergla, nous espérons créer les conditions propices à cette transmission. Les cinéphiles pourront découvrir un brin de son œuvre à travers Le Retour d’un aventurier(1966), Bon voyage Sim (1966) et Kokoa (2001). Ils auront en outre l’opportunité de l’écouter directement lors de la leçon de cinéma dans laquelle il fera part de son expérience et de la vision qu’il se fait de l’Afrique et du cinéma.

Saturday, 27 June 2009

PANAF d’Alger : « Africa is Back »



L’année 2009 sera particulièrement animée en Afrique par deux grands événements culturels : Le Deuxième Festival Culturel Panafricain se tiendra du 5 au 20 juillet à Alger. Plus tard en décembre, se tiendra à Dakar le Deuxième Festival Mondial des Arts Nègres. Les premières éditions des deux festivals datent des années 60. Il s’agit peut-être d’un second éveil pour l’Afrique.
Le PANAF est d’abord un enjeu politique. En 1969 plusieurs pays africains n’étaient pas encore indépendants et avaient participé à la première édition avec leurs mouvements de libération : Afrique du Sud, Mozambique, Angola, Namibie, Guinée Bissau. A l’époque l’Algérie fière de sa fraiche indépendance, et cherchant un leadership continental organisait l’événement culturel le plus important en Afrique. Actuellement, presque tous les pays africains sont indépendants. L’Afrique cherche un deuxième souffle et l’Algérie sortant de deux décennies sanglantes veut retrouver sont rôle de leader.
Lors de la conférence des ministres africains de la culture à Nairobi en 2005 la délégation algérienne propose d’organiser le PANAF. Après un grand lobbying, en Janvier 2009 à Addis-Abeba, le projet est validé par les chefs des états africains et devient officiellement une affaire de l’UA que l’Algérie a pour mission d’exécuter (44 pays des 52 membres ont confirmé leur participation). Pour relever tous les défis Alger débloque un budget de 60 million d’euros.
Alors que l’opposition et les intégristes religieux contestent l’organisation du festival estimant que l’argent servirait mieux à construire des hôpitaux ou des écoles dont le pays a le plus besoin, d’autres voix s’élèvent, convaincues de sa dimension symbolique en tant que célébration des talents africains, et demandent de l’institutionnaliser en le rendant régulier. La première édition avait effectivement servi à faire connaitre plusieurs artistes africains comme Manu Dibango et Myriam Makéba. Lors de cette deuxième édition un hommage sera rendu aux Nobels africains de littérature : Naguib Mahfouz l’Égyptien, le Nigérian Wole Soyinka, les Sud-Africains Nadine Gordimer et John Maxwel Coetzee.


Sotigui Kouyaté, « On fait avec ce qu’on a »


Au 62ème Festival de Canne, l’acteur malien Sotigui Kouyaté a reçu l´insigne des arts et des lettres du ministère français des affaires étrangères. C’est la deuxième consécration en quelques mois. Février dernier il remportait l’ours d’argent du meilleur acteur au festival de Berlin.
Vivant à Paris, Kouyaté retourne souvent en Afrique pour monter des projets. Il n’hésite pas à mettre l’accent sur ce rapport au continent : « Depuis 2003 j’ai décidé de m’occuper de mon continent. J’ai mis en scène deux pièces Antigone puis Œdipe que j’ai représentées au Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger… Maintenant je monte Salina de Laurent Gaudé pour laquelle je prévois une tournée également en Afrique après le Festival Culturel Panafricain d’Alger (en juillet).
Salina est encore un texte français adapté au contexte africain. Il y va de la vision que Kouyaté a de l’échange culturel. « Quand des metteurs en scène montent des pièces avec des textes européens et des acteurs africains parlant en français, ce n’est pas un échange. Moi, je prends un texte français et je le mets dans une portée et un langage africains »
En l’absence d’un théâtre structuré, Kouyaté réinvente tout avec chaque nouvelle pièce ; de l’adaptation des textes à la formation des acteurs. Mais ceci n’est pas une fatalité qui empêcherait les artistes africains d’évoluer. Il reste optimiste puisque : « C’est certes énorme mais pas impossible. On dit que l’Afrique est pauvre. Ce n’est pas vrai. On nous veut pauvres. Que l’on soit professionnel ou amateur, c’est la volonté qui fait la différence. Quand le serpent vient vers toi, tu te défends avec le bâton que tu as dans la mains. Tu ne vas pas jeter cela pour aller chercher un bâton plus fort pour te défendre. On fait avec ce que l’on a.»
C’est ce qu’a fait Sotigui Kouyaté quand il était fonctionnaire de l’Etat pour enfin devenir une icône de l’Afrique. « … un amateur avisé, affirme-t-il, n’a rien à envier à un professionnel … J’avais deux compagnies théâtrales : un trio d’art dramatique financé par l’Ambassade de France et une autre que je finançais avec mon propre salaire ».
Aujourd’hui encore il continue de financer ses pièces de théâtre grâce au cinéma : « Je fais beaucoup de sacrifices parce j’ai envie que les choses se fassent ».

Des cinémas pour l’Afrique


Abderrahmane Cissako, riche de son expérience dans la production qu’il pratiqueà la manière de la tortue transportant sa propre demeure, tout comme beaucoup de ses colègues cinéastes africains condamnés au nomadisme culturelle, se lance avec le même esprit, dans ce rêve de maitenir quelques salles de cinéma. Il réussira peut-être à faire vivre le Soudan à Bamako, mais ce ne sera pas plus qu’une goute d’eau dans le sable du sahara africain.
Plusieurs personnes se sont manifestées pour soutenir cette initiative dont le but est la restauration des salles africaine de cinéma en en vendant, symboliquement, les sièges à 5000 Euros l’unité. Gilles Jacob et Juliette Binoche ont été parmi les premiers à présenter leurs chèques en public lors d’un point de presse au dernier Festival de Cannes.
quelques questions méritent pourtant d’être soulevées : le pari de vendre l’ensemble des sièges de cette salle sera-t-il toujours tenu ? Et même si c’est le cas, sera-t-il toujours aussi possible de répéter l’opération dans d’autres pays ? Au-delà fu côté sensationnel, le rpojet pourrait-il jamais se substituer à un programme réel et efficace de développement pour la culture en Afrique ? Ou bien celle-ci passera toujours parmi les dernières des priorités.
Dans l’absence d’une volonté politique réelle, de la pat des gouvernements africains et de leurs partenaires mondiaux, d’inscrire la culture et le cinéma comme priorité dans l’agenda du développement qu’ils concoivent pour le continent, on ontinuera toujours à collecter les aides pour financer la construction.

Thursday, 2 April 2009

Marwan Kanzari Roméo Tunisien aux Pays-Bas

Marwan Kanzari dans le rôle du Roméo nordique sur les planches du National Toneel La Haye avec Sophie van Hinden dans le rôle de Juliette. le 06 mars dernier.

Sunday, 1 February 2009

Consécration de jeunes talents à Rotterdam

Le rideau est tombé, vendredi dernier, sur la 38ème édition du Festival International du Film de Rotterdam sur un palmarès sans grandes surprises. Les trois films primés ont été attendus de l’avis de la majorité des festivaliers. Mais s’il fallait retenir une idée de ce palmarès c’est le succès évident et grandissant du jeune cinéma turc. Outre la rétrospective qui lui a été consacrée, l’un des trois lauréats vient justement de Turquie.
La décision du jury est allée dans la sens du fond Hubert Bals qui fait partie du festival. Les trois films primés ont en effet reçu l’aide à la production de ce fond. Mais les explications du jury restent sans conteste. Le jury a retenu l'enthousiasme du film iranien Soit calme et compte jusqu’à Sept (de Ramtin Lavafipour). «Pour nous, a déclaré la présidente du jury, ce film fait ce que tous les films s'efforcent de faire: représenter un mode de vie dans des termes qui à la fois spécifiques et universels, sans tomber dans les clichés".
Le film sud-coréen À bout de souffle de Yang Ik-Juin, quant à lui, a été décrit par le jury comme "une force rendu dans un film combinée avec un sens aigu de la réalité dans sa représentation d'une situation qui a été rarement vu au cinéma. Nous avons également, a ajouté la présidente du jury, été surpris de voir un sujet extrêmement préoccupant traitée avec une bonne sensation d'humour. "
Enfin, Le Mauvais Rosaire du Turc Fazil Mahmut Coskun a été qualifié d’«un unique film de création et de la plus éloquente simplicité, un film construit à partir d'un sentiment d'immédiateté, moment par moment, respiration par respiration, un film qui s'inspire, absolument unique en son genre de ce point de vue, du suspense, un film qui reste fidèle à lui-même du début à la fin. " A dû proclamer Yesim Ustaoglu non pas sans émotion au sujet du film de son aompatriote.
Avant d’annoncer le palmarès les recommandations du jury ont mis en valeur la qualité de la compétition. Yesim Ustaoglu, présidente du jury, a lu les éloges qu’elle partage avec les quatre autres membres du jury (Marlene Dumas, Park Ki-Yong, Kornél Mundruczó et Kent Jones) : "Nous avons été extrêmement impressionnés par la vigueur artistique … a-t-elle dit entre autre. Rappelons que les prix sont à valeur égale. Chaque VPRO Tiger Award est doté de la somme modique de quelque15.000 € et la garantie de diffusion par le réseau de télévision publique néerlandaise VPRO.
L’édition 2009 du Festival International du Film de Rotterdam, avec son nouvel habillage aura confirmer une tradition de promotion de nouveau talent. Les trois lauréats repartent avec une triple consécration : une garantie de distribution, une récompense matérielle mais surtout une reconnaissance mérité qui leur donnera certainement des ailes pour s’envoler. L’édition 2010 est déjà annoncé pour le 27 janvier de l’année prochaine. Espérons qu’elles nous portera un cri aussi passionnant que celui de cette année.

Wednesday, 21 January 2009

38ème Festival International de Rotterdam (Pays-Bas)


Le rideau est levé sur le 38ème festival international de Rotterdam qui a démarré dans l’esprit d’un nouveau souffle que cet événement tend à s’assurer pour les prochaines années. C’est avec un film qui incarne la spécificité du cinéma dont ce festival se veut la plate forme que le rideau est levé mercredi dernier, le 21 janvier 2009. Le film d’ouverture Hungry Ghosts (les fantômes assoiffés. Ndlr) de l’Américain Michael Imperioli a annoncé en effet la couleur de l’édition 2009 du festival.
Le festival de Rotterdam est connu pour l’intérêt qu’il porte au jeune cinéma et au cinéma de renouvellement. L’essentiel de son programme est constitué de premières ou secondes œuvres. En dehors des sections officielles traditionnelles, la porte de Rotterdam est ouverte aux expériences les plus novatrices dans le monde de l’image. Une grande plage de la programmation et une grande partie de l’espace des projections est dédiée aux films expérimentaux et aux installations vidéo. Mais outre l’esprit de l’organisation c’est le sens même de la sélection qui témoigne de cette recherche têtue du renouveau. Pour un film américain en ouverture on se serait attendu à une grande production avec des stars en tête d’affiche. Il n’en est rien. Car, le film choisi pour l’ouverture est de ceux qui cultivent un cinéma différent, un cinéma d’avant-garde.
De tout point de vue, Hungry Ghosts donne le La de cette 38ème édition du festival de Rotterdam. Non pas seulement pas parce que c’est une première œuvre d’un jeune réalisateur, mais pour le souffle d’insolite et d’originalité qui le traverse de bout en bout. Michael Imperioli est connu pour son rôle notamment dans The soprano, de David Chase. Largement reconnu en tant qu’acteur dirigé par des réalisateurs comme Spike Lee ou Scorcèse, il se lance dans la réalisation avec ce film déconcertant qui lui vaut une place de choix dans la course à l’un des trois trophées du festival néerlandais.
Qu’un cinéaste occidental s’intéresse à la culture spirituel asiatique, cela n’est pas vraiment nouveau, ni inédit comme approche de la vie moderne. Mais là où Imperioli a sa propre touche c’est de ne rien laisser paraitre dans le film qu’il trouve son inspiration dans cette culture. La présence d’ingrédients comme un club de yoga est traité plutôt comme un cliché. Il faut aller plus loin pour faire le fil spirituel qui constitue le fond même de la construction du film. Le dispositif scénaristique de plusieurs histoires qui convergent vers un point nodal où elles trouvent toutes leurs sens mais en même temps leur point de fuite permet une construction des plus subtile. A l’éclatement apparent s’oppose une forte unité profonde qui construite autour d’un mal d’être qui rongent tous les personnages à l’image de la société américaine malade d’esprit.
La rencontre finale en termes de construction narrative et l’unité de temps de 36 heures en tout, viennent donner forme à l’union de ces êtres atteints de mal inexplicable. Tout semble perdre sa dimension concrète. L’espace ne reconnait en rien les lois de la vraisemblance. Seules persistent les moments de déchirement et de douleurs qui renvoient les personnages les uns aux autres les poussant vers point central qui n’est pas nécessairement spatial. C’est où l’exercice de mise en scène auquel se livre Michael Imperioli trouve son sens, son intérêt et sa pertinence. Et là où se trouve le mérite de sa programmation pour ouvrir le bal des expériences prometteuses dont ce festival ne cesse de nourrir la cinéphilie et d’encourager les plus audacieuses. Dans dix jours, nous saurons lesquels sont les heureuses élues par le jury.

Tuesday, 6 January 2009

Souleymane Cissé, le retour d’un vétéran


L´édition 2008 des Rencontres Cinématographiques de Bamako aura apporté une bonne nouvelle. C´est avec cette session que Souleymane Cissé signe son retour avec son nouveau film, Minyé ( en bambara, ce qu´on est..). Après Molaadé de feu Ousmane Sembène qui traitait de l’excision, le cinéaste bamakoi revient sur un autre complexe des société africaine, la polygamie.
Comme plusieurs cinéastes africains, Cissé est connu par son engagment pour le cinéma. C’est à ce titre qu’i ls’est associé à Martin Scorses pour la créer la fondation World Cinemaqui vient de restaurer le chef d’œuvre de Djibril Diop Mambetty Touki Bouki. Il est aussi un fervent engagé pour l’Afrique et considère le cinéma comme un agent de développement et de construction des nations africaines.
le réalisateur Malien passe pour le cinéaste de la dignité africaine. On citera toujours volontiers l'épisode de la Côte-d'Ivoire dans Waati. Le film est mis sous le signe de l'acquisition du savoir. D’un côté, il est occidental, moderne matérialisée par : l'université, le cours, le professeur, la soutenance de la thèse... D’un autre côté, il relève de l'enseignement traditionnel représenté par le maître de la cérémonie « Rasta ». Ces deux sources du savoir sont traitées de la même manière, c'est-à-dire avec une certaine distance ironique. Cissé met l'accent sur la prétention des détenteurs de savoir : le professeur pour le côté moderne ; le maître de la cérémonie pour le côté traditionnel. Il s'agit pour Nandi de trouver sa propre voie en investissant le cadre moderne par la mise en valeur d'un élément culturel traditionnel.
Il en va de même pour un autre grand cinéaste africain, Oumane Sembène. Dans son dernier film réalisé avant de s’éteindre il y a bientôt deux ans et après avoir donné une leçon magistrale de cinéma du haut de la tribune du festival de Cannes, il représente une Afrique qui détient l’antidote des poisons qui la rongent. Mooladé était fondé sur la pratique absurde de l’excision que « l’ainé des anciens », comme les compagnons de route aimaient l’appeler, a érigé en un mal que l’Afrique est capable de vaincre par sa propre force, celui de son autre tradition du mooladé, sans recourir donc à aucune aide externe.
Dans la jeune génération, il y a aussi des cinéastes qui croient en cette force que l’Afrique a. Quelques uns se plaisent à faire de leur africanité un folklore qui caresse le regard des européens même quand il prétendent secouer le fardeau des tabous. Tels sont des films comme ceux qui posent non pas le problème de la femme mais la femme comme problème dans les sociétés africaines. On citera volontiers des cinéastes comme Farida Benlyazide (Maroc) Moufida Tlatli et Nadia Féni (Tunisie), Djamila Sahraoui et Yamina Chouikh (Algérie). Le hommes eux se spécialiseront dans les messages politiques : La Chambre noire de Hassen Benjelloun, Les Sabots en or de Nouri bouzid etc. Dans la majorité des films africains, ou sur l’Afrique, la société et l’homme africain sont à plaindre.
D’autres ont tendance à peindre une Afrique forte de ses blessures mêmes. Mahamet Saleh Haroun à titre d’exemple dans Daratt, la saison sèche, donne à voir une société tchadienne qui panse ses plaies de la guerre dans la dignité et le regard vers le futur. Yousri Nasrallah fait éclater les tabous dans ses films. Chez le cinéaste égyptien, ceux-ci ne sont importants que dans la mesure où ils lui permettent de construire des formes cinématographiques.
Plus explicite et plus agressif est encore Bamako du Malo-Mauritanien Abderrahman Cissako. Le film est un procès érigé dans la court de la maison paternelle du cinéaste pour juger les responsables des maux de l’Afrique. Les africains eux-mêmes n’échappent pas aux doigts accusateurs des représentants de la société civile et des juristes internationaux. Bamako est un pamphlet contre les instances hypocrites qui font semblant d’aider le continent noire à se développer alors qu’elles ne fond que l’immerger encore et encore dans les dettes arrangeant de la sorte leurs propre affaires et ceux de leurs complices locaux.
Pour ceux qui comprennent l’Afrique, elle se fait mal elle-même et donc elle est capable de s’en sortir seule et par ses propres forces. Mais le mal le plus grave dont elle souffre et contre lesquels elle mènera une guerre sans merci c’est sa méconnaissance. Celle-ci est répandue par la télévision abrutissante et par les diseurs des vraies-fausses vérités, ceux qui font de sa souffrance un fond de commerce ou un objet de voyeurisme. Le cinéma de Cissé s’inscrit contre ce regard et c’est dans ce sens qu’il mène sa batille.

Saturday, 3 January 2009

Quoi de neuf Rotterdam ?


Le coup d’envoi du festival International du Film de Rotterdam aura lieu le 21 janvier prochain. Ce festival qui a la réputation de soutenir les jeunes réalisateurs venant des quatre coins du monde semble se renouveler chaque année. Rutger Wolvson, est maintenu officiellement à la tête de l’organisation après une session essai l’année dernière. Et la version 2009 du festival semble prendre de nouvelle couleurs. Quelques changements au niveau de la structure de la programmation lui donnent une nouvelle orientation vers le cinéma expérimental et vers plus soutien à l’exploitation du film d’auteur.
Le festival de Rotterdam se dote en effet d´une nouvelle structure de programmation. Désormais les films seront distribués d´une manière simple sur trois sections. La compétition officielle destinée aux premières et secondes œuvres. Elle est baptisée « Bright future ». Spectrum est le titre de la deuxième section qui est réservée aux cinéaste plus reconnus et qui aux yeux des organisateurs présentent un apport certain au monde de l’image dans le monde entier. Quant à la troisième, elle accueillera les œuvres expérimentales et installations vidéo d’où son appellation métaphorique « Signals ». en simplifiant la structure de la programmation les organisateurs entendent répondre à un changement réel dans le monde du cinéma et des arts de l’image. C’est selon Rutger Wolvson, une façon pour le festival de regarder vers le future du film comme culture.
La nouvelle tendance aussi dans l’esprit du festival se situe aussi au niveau du sens que la compétition va prendre dès cette année. La compétition a été jusqu’ici un complément de soutien au jeunes réalisateurs pour la production de leur premier film en combinaison avec le Cinemart et le Hubert Bals Fund. La nouvelle idée est de se servir du prestige de la compétition pour faciliter la circulation des films sélectionnés et / ou primés à Rotterdam dans les festivals afin de promouvoir leur distribution. Cette orientation vient répondre à la conscience que le monde du film d’auteur est en train d’être confronté à des difficultés énormes au niveau de la distribution et de l’exploitation.
La section traditionnelle des hommages fera honneur à trois cinéastes : le Polonais Jerzy Skolimowsky, l’Italien Paolo Benvenuto et le Suisse Peter Liechti. Les trois messieurs feront le déplacement à Rotterdam pour accompagner leurs films. Mais la touche 2009 est réservé aux tous premiers grand pas de cinéastes célèbres. « First things first » est ce que nous pourrions traduire par « d’abord les toutes premières choses ». Dans cette section seront projetés les films de réalisateurs qui depuis ont eu une reconnaissance internationale. On retrouvera entre autres Manoel di Olivera avec Duro Faina Fluvial de 1931, Jean-Marie Straub avec Machorka Muff de 1963…
La manière est peut-être différente des éditions précédentes, mais le but reste le même : être à l’écoute des grands changements que connait le monde de l’image et du cinéma. Le festival continue de porter un intérêt primordial à la cinéphilie dans son sens le plus classique. Mais il se veut aussi l’écho de tout ce qui peut agir sur la sensibilité à l’image et à sa consommation. De ce point de vue Le festival de Rotterdam restera fidèle à l’esprit qui a fait sa réputation : Etre toujours le premier à se demander « Quoi de neuf … ? »